Militant de longue date pour la paix, infatigable défenseur des droits humains et auteur du livre « Colombie : la démocratie génocidaire  », le père Javier Giraldo est une figure incontournable pour comprendre la réalité colombienne. Le premier décembre 2004, il était à Bruxelles, au Parlement européen [1], pour co-présenter le nouveau rapport « Réélection, l’envoà »tement continue  », rédigé par la Plataforma Colombiana de Derechos Humanos, Democracia y Desarrollo qui rassemble de très nombreuses organisations sociales, écologistes et de défense des droits humains du pays sud-américain. Ce rapport a pour ambition de faire un bilan, sous divers aspects, des deux premières années de gouvernement d’Alvaro Uribe Vélez [2]. Pour le Padre Giraldo, le phénomène le plus grave qui traverse actuellement la société colombienne est sa paramilitarisation. Interview.
1. La troisième légalisation du paramilitarisme
1.1. Un produit de la doctrine de la sécurité nationale
D’où vient le paramilitarisme et comment peut-on parler aujourd’hui d’une paramilitarisation de la Colombie ?
Une version très répandue par les médias, colombiens et étrangers, tend à reprendre le discours traditionnel des autorités colombiennes en répétant que les paramilitaires sont un acteur indépendant dans le conflit colombien, le « troisième  » acteur avec les guérillas de gauche (FARC - Forces armées révolutionnaires de Colombie et ELN - Armée de libération nationale) et l’Etat colombien. Selon cette version, le paramilitarisme trouverait son origine dans les années 1980 dans la réaction de secteurs privés victimes des actions et de la « loi  » de la guérilla (extorsions de fonds, kidnappings, etc.). Le père Javier Giraldo réfute cette version. « En vérité, le paramilitarisme existait déjà auparavant. Des documents, longtemps restés secrets, montrent qu’il s’agit d’une stratégie d’Etat. Michael McClintock, un chercheur états-unien, a étudié durant vingt ans tous les documents déclassés par le Département d’Etat et le Pentagone relatifs à la politique étrangère des Etats-Unis. Cet investigateur a découvert qu’une mission militaire de l’armée des Etats-Unis - la mission Yarborough, du nom du général dirigeant cette mission - visita la Colombie en 1962. Cette mission était composée d’instructeurs d’une nouvelle école, l’ « école de la guerre spéciale  » de Fort Bragg (état de Georgie). Ces derniers laissèrent une sorte de rapport secret selon lequel le gouvernement colombien devait commencer immédiatement à former des groupes mixtes de civils et de militaires, afin, comme il est dit textuellement dans un de ses paragraphes, de « réaliser des activités terroristes paramilitaires  ». Le rapport était accompagné d’une sorte de supplément, encore plus secret, dans lequel on parlait de méthodes de torture et où l’on donnait des instructions pour la police et l’armée sur la méthode à utiliser pour enquêter sur les gens de l’opposition.  »
A l’époque, les Etats-Unis essayaient de répondre aux échecs subis et aux difficultés rencontrées notamment au Vietnam et à Cuba. Leur intention était d’élaborer une nouvelle stratégie de guerre, répondant à la guerre de guérillas. C’est l’ère de la Doctrine de sécurité nationale qui mènera la première puissance mondiale à imposer et soutenir de nombreuses dictatures dans le cône Sud.
« Ce qui attire l’attention, c’est qu’à l’époque, quand ils recommandent cette stratégie paramilitaire, il n’existait en Colombie aucun groupe armé de gauche. Les guérillas libérales des années 40 et 50, durant La Violencia [3], avaient déjà disparu. Les leaders de ces mouvements qui avaient rendu les armes avaient été pour la plupart assassinés. La guérilla de gauche naît deux ans plus tard. Donc on se demande quel était l’objectif du paramilitarisme.
« Quand on lit ces documents, on voit que tout est élaboré contre les « sympathisants du communisme  ». Cette expression était très vague. Même s’il y avait un Parti communiste - très faible -, dans des documents postérieurs, on se rend compte qu’ils identifiaient comme « sympathisants du communisme  » les syndicats d’ouvriers et de paysans, les étudiants, les partis politiques d’opposition, les groupes de défense des droits humains, et aussi les théologiens de la libération [4]. C’était donc une guerre contre une manière de penser et pas contre un groupe armé. L’objectif était d’exterminer une position idéologique.  »
A la légitime question de savoir si les recommandations des instructeurs nord-américains sont restées lettre morte ou si elles ont été mises en pratique, le Padre ne laisse planer aucun doute : « Si on regarde tous les manuels de guerre qui furent élaborés en Colombie depuis cette époque pour entraîner et former les militaires - j’en connais plus ou moins cinq -, dans chacun, on parle de la stratégie paramilitaire comme s’il s’agissait d’une stratégie légale, assumée.  » Les conseils distillés par les Etats-Uniens ont même pris la forme d’un décret. « En 1965, c’est la première légalisation explicite du paramilitarisme. Le jour de Noë l, le président Valencia [5] publia le décret 3398 réformant le ministère de la Guerre - comme il s’appelait à l’époque - et le transforme en ministère de la Défense nationale. L’article 25 de ce décret permettait la formation de groupes de civils au service de l’armée et donnait le pouvoir à celle-ci d’en constituer et de les coordonner. L’article 33 autorisait, quant à lui, l’armée à fournir à ces groupes des armes à usage exclusif de l’armée.  » En 1968, le décret est devenu loi, la loi 48.
Si, depuis lors, il a existé de nombreux groupes de civils armés s’apparentant à des paramilitaires, c’est à la fin des années 1970 que le paramilitarisme en tant que structure organisée émerge avec la création, notamment de la Triple A, Alianza Anticomunista Americana (« Alliance anticommuniste américaine  »), un « groupe créé au sein du bataillon de renseignement de l’armée  », affirme Javier Giraldo. « En 1980, apparaît un sigle qui va semer la terreur à travers le pays. C’est le sigle MAS (« Muerte a las secuestradores  »). Dans de nombreuses régions, les militaires commencèrent à créer des groupes avec les mêmes sigles : MAS.
Le paramilitarisme émerge comme une structure organisée et développe ses premières expériences de contrôle territorial. Le Magdalena Medio a été un de ses laboratoires. « A Puerto Boyaca, les paramilitaires n’étaient plus clandestins. Le maire, un militaire, se proclamait paramilitaire. Dans un journal, ils invitaient tous ceux qui voulaient des armes à se rendre au bataillon de l’armée. Ils créèrent également une structure politique : Morena, pour Movimiento de Renovacion Nacional. Ils ont aussi lancé un journal qui s’appelait Punto Rojo. Et ils mirent à l’entrée de la ville une grande pancarte qui disait "Bienvenue dans la capitale anti-subversive de la Colombie". Elle y resta de nombreuses années.  »
« Quand l’Union patriotique est née, un parti politique fruit des premières conversations de paix entre les FARC et le gouvernement de Belisario Betancur [6], les paramilitaires ont commencé à assassiner de nombreux militants, surtout ceux qui avaient participé et gagné des élections en tant que parlementaire, député, conseiller communal, maire. Très peu échappèrent à la mort. Ceux qui en réchappèrent sont ceux qui se sont exilés. Cela provoqua un tel scandale qu’il y eut un débat national sur la paramilitarisme.  » Finalement, la Cour Suprême de justice examina quels étaient les fondements légaux du paramilitarisme, révisa le décret de l’année 1965 et déclara inconstitutionnels les articles 25 et 33. Le paramilitarisme passait à l’illégalité. Une situation qui n’empêcha pas les « escadrons de la mort  » de poursuivre leur « guerre sale  ». « Il y a plusieurs témoignages de militaires de l’époque qui participèrent à la constitution de ces groupes paramilitaires et qui ont expliqué comment, jusqu’à cette époque, les réunions se faisaient dans le commandement de l’armée, dans des lieux très officiels. Avec l’illégalisation, ils ont cherché des intermédiaires pour coordonner la relation entre l’armée et les paramilitaires. Le paramilitarisme passait à la clandestinité mais les relations restaient les mêmes.  »
1.2. Les CONVIVIR
En 1994, le gouvernement de César Guaviria (1990-94), connu pour être l’initiateur de ladite « ouverture  » économique du pays à la mondialisation, adopte une loi qui réforme les entreprises privées de sécurité. Cette loi sera la base d’une nouvelle légalisation, la deuxième, du paramilitarisme.
Javier Giraldo : « En s’appuyant sur cette loi, son successeur, le président Samper, émet un décret - ce n’est même pas un décret mais plutôt un communiqué public - dans lequel il utilise certaines phrases de cette loi et forme un modèle de coopérative de sécurité privée rurale sous le nom de CONVIVIR. Toutes leurs caractéristiques, dans la réalité, étaient similaires à celles des paramilitaires. Leurs membres pouvaient être organisés et coordonnés par les militaires, recevoir des armes de ces militaires et leur fournir des informations.  »
Les CONVIVIR commencent alors à se multiplier dans tout le pays [7]. Un des départements où ces « coopératives de sécurité  » se développent le plus est celui d’Antioquia, dont le gouverneur, de 1995 à 1997, est un certain Alvaro Uribe Vélez, actuel président de la République. « C’est lui qui impulse et fonde les CONVIVIR dans tout le département. Nous avons récolté des témoignages selon lesquels ils recevaient un carnet, une espèce de sauf-conduit des Forces armées qui les identifiaient comme CONVIVIR. Et quand ils voulaient se déplacer, pour commettre un massacre par exemple, ils pouvaient passer armés en montrant ce carnet à un barrage militaire. Cela les identifiait et les militaires ne devaient pas faire obstacle à leur passage.  »
En 1999, face aux nombreux massacres commis par les CONVIVIR [8], l’inquiétude grandit. La Cour constitutionnelle se pencha sur l’affaire. « Elle convoque des sessions ouvertes auxquelles participent de nombreuses ONG et des organismes internationaux. Mais elle adopte une sentence lamentable : elle reconnaît que ces groupes sont légaux, mais leur impose juste quelques limites pour l’usage d’armes. Ils ne peuvent plus utiliser d’armes offensives mais seulement des armes défensives, à courte portée. Ils ne sont pas illégalisés. Ces limites provoquent une certaine autonomisation de ces groupes. Les CONVIVIR commencent à s’affaiblir et les paramilitaires continuent leur propre chemin. Dans certaines zones, la relation entre CONVIVIR et paramilitaires continue [9].  »
1.3. L’intégration des paramilitaires à l’Etat.
En 1995, Horacio Serpa, leader du Parti libéral, avait proposé l’ouverture d’un processus de dialogue avec les groupes paramilitaires. Cette initiative avait déclenché un tollé général. Les médias considéraient à l’époque que les paramilitaires ne constituaient pas, à la différence des guérillas, une force d’opposition au gouvernement et à l’Etat.
Depuis lors, la société colombienne a changé et a vécu un processus d’acclimatation au paramilitarisme. Les groupes paramilitaires se sont organisés au niveau national et ont pris le nom en 1997 d’Autodéfenses unies de Colombie (AUC). Ils ont progressivement étendu leur contrôle territorial et leur leader de l’époque, Carlos Castaño, disparu depuis, s’est imposé comme une figure médiatique. « Déjà en 2000, Carlos Castaño commence à être un personnage très connu, très proche des médias. Il accorde tout le temps des interviews à la télévision, à la radio, à la presse écrite. Ces mêmes médias commencent, disons, à maquiller son image, à lui ôter son caractère diabolique, à le présenter comme un personnage presque démocratique, très religieux qui cherche à défendre le pays du démon de la guérilla. Un imaginaire autour de lui commence à être créé.  »
Dans ce contexte, et alors que les dialogues de paix initiés par la présidence du conservateur Andrés Pastrana (1998-2002) avec les FARC sont dans l’impasse - ils seront finalement rompus le 20 février 2002-, le candidat à la présidence Uribe Vélez propose la manière forte et la guerre totale contre les insurgés. Il fait mouche au sein d’une population fatiguée par un conflit interminable.
Pour le Padre Giraldo, la création d’une zone grise entre le civil et le militaire constitue l’essence du paramilitarisme. C’est justement cette thèse qui s’avère être l’axe de la campagne du candidat Uribe. « Quand sa candidature prend de la force, il commence à défendre la nécessité de créer des espaces où la force publique et la population civile puissent agir ensemble. Il commence à dessiner la figure des soldats paysans et à proposer la création du réseau des informateurs et des coopérants, etc.  »
A peine élu, le nouveau président annonce la couleur et met en application ce que l’on appelle la « sécurité démocratique  ». Selon Amnesty International, « il a commencé à adopter, dans le cadre de la soit-disante “doctrine de la sécurité démocratique”, une série de mesures de type ultra-sécuritaire. Cette stratégie, destinée à en terminer avec un conflit qui, d’après AI a coà »té la vie à plus de 60.000 personnes depuis 1985 dont 80 % de civils ne prenant aucune part au conflit, ne prévoit aucun programme qui permette de combattre les violations des droits humains et du droit international humanitaire (DIH). En ce sens, le gouvernement ne reconnaît pas que la sécurité ne peut être garantie sans un plein respect des droits humains. En effet, au lieu d’assurer la sécurité de tous les citoyens en isolant la population civile du conflit armé, les mesures adoptées par le gouvernement contribuent au contraire à entraîner les civils dans le conflit, à consolider un mur du silence face à des violations qui peuvent être commises à l’abri de tout contrôle et dans la plus grande impunité, et à renforcer la place déjà grande des groupes paramilitaires dans le pays.  » [10] Dès le lendemain de sa prestation de serment (le 7 aoà »t 2002), il inaugure le premier réseau d’informateurs (voir encadré) dans une zone très paramilitarisée, le département du César [11]. Le 11 aoà »t, son gouvernement décrète l’état de « commotion intérieure  » [12] dans tout le pays, qui est exécuté à travers des mesures de « contrôle de l’ordre public  », reprises un mois plus tard dans le décret 2002 qui établit également lesdites « zones de réhabilitation et de consolidation  » où l’armée se voit octroyée des pouvoirs spéciaux et où certains droits constitutionnels des Colombiens sont limités.
Parallèlement au développement des réseaux de coopérants et d’informateurs, le nouveau gouvernement impulse le programme des « soldats paysans  », à savoir des formations de quelques mois données à des jeunes, en grande majorité, afin qu’ils s’incorporent à des tâches de contre-insurrection sous l’autorité de l’armée, tout en restant dans leur village d’origine.
Faisant peu de cas des craintes du Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme et des principales organisations internationales de défense des droits humains, le gouvernement colombien annonce le 27 novembre 2002 le début des dialogues de paix avec les Autodéfenses unies de Colombie (AUC).
Javier Giraldo : « Une des premières mesures qu’il prend est de réformer la loi 418 qui avait servi pour et réglementait les dialogues avec la guérilla. De tous les articles, il supprime la première condition qui permettait à un gouvernement d’entrer en négociation avec un groupe armé : lui reconnaître un caractère politique. Il réforme la loi et ouvre la possibilité à tout groupe de délinquants de négocier avec le gouvernement. Pas seulement les groupes mais les individus aussi. Un individu peut entrer dans un processus de démobilisation et le gouvernement peut l’admettre comme individu sans qu’il soit nécessaire qu’il ait un caractère politique.
Sur cette base légale, le gouvernement commence les conversations avec les paramilitaires. Au cours de tout ce processus, on se rend compte que sa finalité n’est pas la démobilisation proprement dite. Dans les documents, on peut le lire entre les lignes. Il ne s’agit pas d’une démobilisation ou d’un désarmement mais plutôt d’une intégration à l’Etat : « Nous sommes en train de rendre à l’Etat des territoires où nous exercions l’autorité. Maintenant comme nous avons un gouvernement qui nous donne confiance, nous rendons ces territoires pour qu’il exerce son autorité. Mais nous, nous allons commencer à y mettre en place, ensemble avec le gouvernement, des projets sociaux, etc.  » Donc, il ne s’agit pas de démobilisation mais d’une insertion à l’Etat.  »
Afin de mener à bien le dialogue avec les forces paramilitaires, le gouvernement suspendit les ordres de capture à l’encontre de ses leaders. De leur côté, les AUC s’engagèrent à ne plus violer les droits de la population civile et à ne plus commettre de crimes à son encontre tout au long du processus de négociation. Un cessez-le-feu fut proclamé.
Selon la Commission colombienne des juristes (CCJ), entre décembre 2002 et septembre 2004, les forces paramilitaires ont causé la mort de ou fait disparaître au moins 1.895 personnes. Le gouvernement, de son côté, chiffre à 408 les assassinats jusqu’en avril 2004. La Defensoria del Pueblo [13] a recueilli quant à elle 342 plaintes de violation du cessez-le-feu. [14] Ces éléments n’ont pas semblé infléchir la volonté de « dialogue  » du gouvernement avec les forces irrégulières d’extrême droite. Le premier juillet dernier, la table des négociations a été installée à Santa Fe de Ralito (département de Cordoba) où se trouvent une dizaine de chefs paramilitaires et entre 300 et 400 « gardes du corps  » paramilitaires, tous protégés par l’Armée colombienne.
« Le problème avec cette démobilisation, c’est que les paramilitaires n’ont jamais utilisé leur propre nom. C’était quasi une norme. Donc, leur casier judiciaire est vierge. La démobilisation est fictive. Ils mettent en scène une pièce de théâtre. On enquête sur les antécédents pénaux de chacun et il n’y a rien.
« Cela s’est déjà passé avec le Bloque Cacique Nutibara, qui était une structure paramilitaire opérant à Medellin. Ce groupe s’est démobilisé il y a un an. En fait, ils n’étaient même pas paramilitaires. C’étaient des bandes armées de jeunes des quartiers.  » La revue Semana a publié récemment le contenu de conversations entre les commandants paramilitaires et le Commissaire à la paix, représentant du gouvernement, Luis Carlos Restrepo, dans lesquelles ce dernier se plaignait qu’une partie des 800 démobilisés étaient de vulgaires délinquants de la rue. « Donc, même le Commissaire à la paix, Luis Carlos Restrepo, a reconnu qu’ils ont été trompés et que la majorité d’entre eux n’étaient pas paramilitaires. Quand ils les ont emmenés à un municipe près de Medellin, ils étaient normalement 800. Le Ministère public enquêta sur eux et la majorité n’avaient pas d’antécédents pénaux. Ceux qui en avaient, c’étaient juste pour de petits faits de délinquance commune.  »
Le processus de « démobilisation  » et de « désarmement  » suit actuellement son cours et inquiète depuis le début les organisations politiques d’opposition, les mouvements sociaux et les défenseurs des droits humains. Si ce processus initié par le gouvernement arrive à son terme, il y a de fortes chances de voir les principaux responsables des violations des droits humains bénéficier dans les faits d’une grâce et se réintégrer à la société colombienne en bénéficiant de la plus complète impunité grâce à si controversée loi d’« alternativité pénale  ». Les leaders des AUC pourraient également échapper à l’extradition demandée par les Etats-Unis pour trafic de drogues puisque, comme le révélait également l’article de Semana cité ci-dessus, selon Restrepo, « le président fera usage de son pouvoir discrétionnaire pour ne pas les extrader  ». Et pour mettre encore plus à l’abri les principaux responsables des crimes contre l’humanité en Colombie, le gouvernement a déposé un projet de loi qui « bloquera l’action de la Cour pénale internationale  ».
Le Padre pense qu’ « Uribe, a déjà gaspillé un peu son capital de réformes. Plusieurs franges de la population ont déjà compris vers quoi il va. Les dialogues avec les paramilitaires lui ont déjà fait perdre beaucoup de crédibilité. Parmi ses sénateurs de confiance, certains ont pris des positions très critiques par rapport au projet de légalisation du paramilitarisme.  » Mais, quoi qu’il en soit du projet d’intégration des paramilitaires à l’Etat, la société colombienne est déjà en partie sous le joug des forces paramilitaires. Plus grave peut-être que le dialogue entre l’Etat et son bras armé illégal, c’est le gigantesque pouvoir tant politique, économique que militaire qu’ont acquis ces forces d’extrême droite depuis quelques années qui a de quoi inquiéter.
2. Les paramilitaires, un pouvoir politique, économique et militaire
Le dimanche 26 septembre 2004, les quatre médias de la presse écrite les plus influents de Colombie - El Tiempo, El Espectador, Semana, Cambio - publiaient une série d’éditoriaux et d’articles alarmistes et bien documentés sur le pouvoir croissant du paramilitarisme dans le pays.
« Quand certains d’entre nous avons défendu la thèse que le gouvernement du président Uribe a un programme centré sur la paramilitarisation du pays, nous avons été habituellement attaqués, autant par les médias que par des membres du gouvernement. Cependant, il m’a paru significatif que le 26 septembre dernier, un dimanche, de nombreux médias parlent et défendent cette thèse. Certains ont même intitulé leurs articles avec le même titre : "la paramilitarisationde la Colombie ".  »
Un telle réaction des médias peut paraître surprenanteenColombiequandonconnaîtle rôle qu’ils jouent au quotidien dans la guerre et comment ils ont entre autres permis l’accession d’Uribe à la présidence de la République en nettoyant son image d’un passé gênant fait de complicités avec les groupes paramilitaires et les trafiquants de drogue. « Ils ont lancé une alarme nationale mais cela ne change pas leur comportement. Ils ne dénoncent pas ce qui se passe au jour le jour. Les gens sont très marginalisés de la réalité quotidienne à cause des médias.  »
En fait, le Padre Giraldo tend à interpréter ce sursaut médiatique davantage comme une réaction des classes dominantes de la société face à un pouvoir paramilitaire croissant et incontrôlable que comme un positionnement des médias comme contre-pouvoir. « C’est une de mes interrogations. Je crois que ce qui s’est passé le 26 septembre est un signe qu’ils prennent conscience qu’ils ne peuvent déjà plus contrôler ce pouvoir. C’est un pouvoir politique, économique et militaire. Bien qu’ils aient aidé à fonder ce pouvoir - tous les groupes économiques ont collaboré et ont encouragé les paramilitaires -, maintenant, ils voient qu’ils perdent le contrôle, que le monstre les dépasse.  »
Les années 1980 et 1990 ont vu les groupes paramilitaires se développer, passant de groupes qui accomplissaient leur mission et disparaissaient ensuite, à une force organisée d’occupation établissant peu à peu leur joug sur de nombreuses régions du pays. Développant une stratégie connue sous l’expression de « drainer la mer pour tuer les poissons  », ces groupes ont frappé durement les mouvements sociaux, ouvriers et paysans, provoquant massacres, disparitions et déplacements forcés de la population civile.
« La périodisation de la paramilitarisation d’un territoire, je l’ai reprise d’un quotidien sorti le 26 septembre, de El Tiempo si je ne me trompe pas. Bien qu’il manque des détails et qu’il y ait des choses discutables, j’ai trouvé cela objectif. On distingue quatre étapes successives dans les différentes régions.
« La première phase est celle de l’entrée de l’organisation paramilitaire dans une région ou une localité. C’est la phase de terreur. Elle commence chaque fois avec de grands massacres, de grands déplacements forcés. Ils commencent à intimider les personnes qui ne pensent pas comme eux et qui appartiennent à des mouvements sociaux ou à des partis politiques d’opposition. A ce moment-là , beaucoup de gens s’exilent ou se déplacent parce qu’ils ne veulent pas se soumettre à ces nouveaux pouvoirs. Des terres restent abandonnées et sont saisies par les paramilitaires.
« Vient ensuite la phase suivante quand ils ont déjà réussi à dominer, disons, la plus grande partie de la population, ou qu’ils l’ont éliminée ou obligée à se déplacer. Il s’agit de l’étape, dite douce, de répression sélective : assassinats sélectifs, disparitions sélectives, menaces sélectives, etc. Au cours de cette étape, il y a le processus de cooptation, de pénétration des autorités et institutions locales et régionales, y compris des universités. Ils ont coopté de nombreux maires qui transfèrent une partie de leur budget aux projets paramilitaires.
« Dans un troisième temps, commence la phase des travaux communautaires. Ils organisent la population qui est restée et commence à former de petites coopératives et mettent en place des projets productifs. A l’occasion d’élections et de campagnes électorales, ils forment des organisations civiles et des mouvements qui sont presque toujours baptisés comme démocratiques.
« Dans la quatrième phase, on assiste à la consolidation de leur pouvoir économique.Ils commencent à nettoyer et légaliser des activités économiques qui, dans les premières années, étaient illégales et le fruit de la délinquance, comme le vol de l’argent public. Par exemple, ily a quelques mois, on a découvert que des fonds (500 millions de pesos) destinés aux départements pour la santé des plus pauvres ont été détournés par les paramilitaires.  »
Il ne fait aucun doute qu’aujourd’hui le paramilitarisme est un pouvoir économique qui compte en Colombie. On pourrait même s’aventurer à le considérer comme la principale force économique du pays.
« Carlos Castaño a toujours reconnu que les cultures de coca et le trafic de drogues leur rapportaient un haut pourcentage de financement. Ils contrôlent des zones où est cultivée la coca et qui ne sont pas fumigées [15]. Par exemple, la zone du Nord de Santander, près du Venezuela. Ils contrôlent la mise en semence de la coca, les laboratoires de transformation, etc. Cela leur rapporte beaucoup d’argent. [16]
Il y a aussi les sites de commerce de grande contrebande comme à Bogota. A travers un fait divers violent qui a fait des victimes, on a découvert que les paramilitaires contrôlaient le sanandrecito de Bogota qui peut produire 8 billions de pesos [17], c’est-à -dire tout le budget de l’Etat pour les investissements sociaux. Ils contrôlent des points névralgiques de l’économie.
« Autre exemple : celui de l’essence. ECOPETROL, la société énergétique nationale, a fait connaître quelques chiffres révélateurs sur ce qui est extrait (volé) des oléoducs. A Medellin, par exemple, près de la Commune 13, qui est une commune qui a subi une opération militaire brutale en 2002, il y avait un poste de vol d’essence visible par toutes les autorités. On calculait que l’équivalent en essence de 30 millions de pesos était volé par jour.
« On peut aussi citer les barrages sur les routes importantes. Tous les transporteurs doivent payer un droit de passage. Il y aussi les terres où les grands propriétaires doivent payer mensuellement un gros « impôt  » pour être protégés par les paramilitaires.
Ce sont de nombreuses sources de financement. Â »
Les forces paramilitaires ont conquis militairement de vastes parts du territoire colombien, et ont renforcé par ce fait leurs pouvoirs économique et politique. Ils avaient d’ailleurs, selon les dires du leader des AUC Salvatore Mancuso, conquis lors des élections législatives de mars 2002 un tiers du Parlement colombien. Une victoire renforcée deux mois plus tard par celle d’Alvaro Uribe Vélez, le véritable leader de processus de paramilitarisation du pays.
3. Alvaro Uribe, Le président des paramilitaires
« Sa sympathie pour le paramilitarisme est, depuis de nombreuses années, très difficile à cacher. Les CONVIVIR sont une preuve.
Sa relation avec le général Rito Alejo del Rio est également un indice. Ce général était commandant de la brigade 17 en Uraba quand Uribe était gouverneur du département d’Antioquia. Ils étaient très amis tous les deux. Quand ce général fut mis à la retraite par le président Pastrana et par les pressions de l’ambassade des EUA, elle-même, car c’était un type tellement criminel et partisan du paramilitarisme, Uribe lui offra un grand hommage national. C’est un signe trop clair de sa sympathie pour le paramilitarisme. [18]
« Sa famille a aussi plusieurs haciendas rurales. Nous avons des témoignages très clairs que ces haciendas servaient de centres d’entraînement pour les paramilitaires. Il y a de très nombreuses preuves. En plus, les thèses qu’il défend, à savoir l’unification/ soumission de la population civile à l’armée, c’est la thèse centrale du paramilitarisme.  »
Comment expliquer alors qu’un tel homme, avec un passé aussi « sale  » puisse bénéficier, malgré quelques échecs politiques, d’une forte popularité ?
« La popularité de Uribe s’appuie sur divers facteurs.
Un premier facteur est, je crois, celui des médias. L’information qui est diffusée, notamment sur ce que vivent les communautés rurales ou urbaines, sur comment fonctionne cette alliance entre militaires et paramilitaires, n’est publiée par aucun journal. Il y a comme une autocensure.
« Cela fait longtemps que les journalistes ont perdu leur capacité de critiquer le gouvernement et la guerre. Si un militaire dit qu’hier l’armée a tué dix guérilleros, le journaliste n’est jamais capable de demander qu’on lui donne les preuves qu’il s’agissait bien de guérilleros. Ils placent seulement le micro à la bouche pour que cela soit retransmis à tout le pays, une vérité sur laquelle personne n’enquête.
Il y a quelques mois, j’ai rencontré une journaliste que je connaissais. Je lui ai demandé ce qu’elle faisait. Elle m’a répondu qu’elle avait fort honte de répondre mais qu’elle continuait à être journaliste.
« Un autre facteur, c’est l’objectif pragmatique à soutenir le gouvernement pour une question de subsistance. Il faut imaginer que des millions de personnes sont liées comme coopérants/ informateurs à l’armée pour subvenir à leurs besoins dans un pays qui connaît un niveau de chômage et une crise économique terrible.
« Il y a un autre facteur qui, je crois, joue un rôle : c’est la fatigue de la guerre. La Colombie est en guerre depuis de nombreuses années, une guerre qui a provoqué des horreurs et a fait verser beaucoup de sang. La confrontation, dans la mesure où elle implique chaque fois davantage de population civile, est chaque fois moins contrôlable. C’est le problème de l’efficacité de la guerre. Une guerre ne peut être menée sans moyens économiques. Les moyens économiques dans cette situation ne peuvent être que délictueux. Une mitraillette peut valoir 15 ou 20 millions de pesos. Jamais on ne pourra en acheter avec les apports des paysans ou des gens qui n’ont pas d’emploi. Dans le passé, l’Union soviétique ou Cuba aidaient la guérilla. Plus maintenant. Donc, la guerre ne peut être financée qu’avec des kidnappings et d’autres choses comme cela. Cette dynamique de l’efficacité de la guerre produit de nombreux dégâts. C’est une confrontation entre deux modèles irréguliers de guerre, le modèle paramilitaire de l’Etat et celui de la guerre de guérillas. Cette confrontation amène à ce que chaque fois plus de population civile soit engagée dans cette guerre et soit fatiguée par elle.
Une population qui peut en venir à appuyer une sortie autoritaire et militaire ? « Exactement, quand Pastrana, à la veille de sa victoire électorale, annonça un processus de dialogue avec les FARC, les gens l’appuyèrent car enfin il y avait un président qui s’engageait. Et ils votèrent pour lui. Quand ces dialogues échouèrent [19] et que Uribe arriva en disant qu’il en finirait avec la guerre en quelques mois, les gens se sont dits que si cela n’avait pas fonctionné par le dialogue, qu’un terme soit mis alors au conflit par la force. Cette fatigue influence beaucoup les votes et les décisions des gens.
« Il y a d’autres facteurs.
Dans le livre "La peur de la liberté", Eric Fromm analyse pourquoi Hitler arriva au pouvoir en Allemagne. Il étudie la transformation de la classe moyenne car Hitler s’appuya principalement sur elle. C’était une classe moyenne qui avait connu une certaine sécurité dans ses conditions de vie. La crise du capitalisme lui ôta cette sécurité. Donc, cette insécurité et cet appauvrissement ont poussé cette classe moyenne dans les bras d’une figure forte qui lui promettait la sécurité. Quelque chose de similaire se passe avec la figure de Uribe ... Sans la classe moyenne, il ne serait pas arrivé au pouvoir.
Je crois qu’il y d’autres facteurs qui nous échappent. Je dirais qu’i y a un facteur plus psycho-social. L’instinct de conservation de cette classe la mène vers des positions très conservatrices.
Ensuite, il y a quelques facettes de la personnalité de Uribe et le slogan qu’il a vendu lors de la campagne : "Corazon grande, mano fuerte" répond un peu à cela, à une crise de désarroi, l’image d’un papa qui punit mais en même temps assure la sécurité. Cela joue dans l’inconscient.  »
Quant à savoir si ce processus pourra continuer. Le Padre Giraldo est hésitant et préfère éviter les spéculations. Il pointe néanmoins certains éléments positifs. « Je crois qu’au cours des derniers mois il y a eu des signes de chute de sa popularité. Le référendum [20] fut une première réponse populaire. Il y eut ensuite les élections de maires et de gouverneurs. Dans des endroits importants comme Bogota, Cali et Medellin, ses candidats n’on pas gagné. Ce fut une autre réponse populaire à sa première année de gouvernement. Ensuite, il y eut des mobilisations, des marches. Surtout celle du 12 octobre [21]. Ce fut une marche gigantesque à Bogota. Je n’en avais plus vue une ainsi depuis de nombreuses années.
Je crois que la réforme de la Constitution pour approuver la réélection sera approuvée [22] car cela dépend du congrès et qu’il a une composante paramilitaire importante. Je doute par contre qu’il soit réélu. En plus, le mouvement d’opposition croit . » A suivre ...
Coopérants et informateurs
Un des programmes centraux de la politique de « sécurité démocratique  » du président Uribe a été dés le début la constitution de réseaux de millions de coopérants et d’informateurs qui seraient intégrés par des civils et des entreprises privées de sécurité, tous mis au service de l’armée pour servir à la « lutte contre le terrorisme  ». Pour le journaliste Alfredo Molano, « la rétribution d’informateurs dans un pays où la majorité de la population est au chômage ou sous employée peut bénéficier d’un large soutien en dépit du dégoà »t que les gens du peuple éprouvent pour ce qu’ils appellent “le mouchardage”. A la différence près que, dans ce cas, la mesure est d’envergure : un million d’informateurs, selon la propagande officielle [23]. Les dangers sont multiples et peuvent se réduire à deux : accentuer la polarisation, surtout chez les populations rurales (...) et fournir à l’exécutif un instrument de mobilisation politique, ce qui se traduirait par un clientélisme rampant. Quoi qu’il en soit, le Réseau d’informateurs fonctionne de fait comme un catalyseur de la guerre civile. [24] »
Il faut distinguer deux réseaux : celui des informateurs et celui des coopérants. Pour le Padre Girlado, « dés les premiers mois du gouvernement, dans les journaux télévisés, on pouvait voir les généraux de la République donnant des quantités énormes d’argent à des personnes masquées pour les rétribuer pour leurs informations. C’était pour stimuler la population à se lier au réseau d’informateurs. Si vous vous liez au réseau, vous allez recevoir beaucoup d’argent. Mais c’est l’information qui est payée. Tu donnes de l’information et selon la qualité de cette dernière, tu recevras une certaine quantité d’argent.  »
Le réseau des coopérants est quant à lui plus permanent. Pour l’expliquer, le Padre recourt à l’exemple des cinq ou six coopérants qui exercent dans la Communauté de San José de Apartado où un nouveau massacre vient d’être commis par l’armée ce 21 février. « Un d’entre eux, son père fut assassiné à San José. On croit que c’est la guérilla. Les militaires lui ont offert de le payer pour qu’ils travaillent avec eux. Il accuse de manière permanente la communauté. On a vu ce muchacho avec un uniforme militaire dans une opération militaire dans la même zone. Il parle régulièrement avec ses voisins. Il leur a dit qu’il est payé plus ou moins 600 mille pesos, ce qui représente près de deux salaires minimums chaque mois. Cela fonctionne bien pour lui car son rôle est de signaler des gens et de témoigner de temps à temps en justice contre des leaders sociaux. C’est un travail facile et bien payé. C’est pour avoir une image très plastique de ce qu’est un coopérant. A de nombreuses reprises, on l’a vu à la brigade militaire.  »
[1] Photos de la rencontre : http://www.educweb.org/IngridTeam/E...
[2] Le rapport « La réélection, l’envoà »tement continue  » fait suite au rapport publié il y a un an par la même plate-forme :« l’envoà »tement autoritaire  ». A l’occasion de la sortie de ce dernier, le président Uribe avait de fait déclaré la guerre aux ONG en affirmant qu’il en distinguait trois sortes : 1° les bonnes qui viennent discuter avec lui sans qu’on les appelle ; 2° Les marchands des droits de l’homme qui ne travaillent que pour se financer eux-mêmes et se faire voir au niveau international, ce sont des intellectuels coupés de la réalité ; et 3° les ONG soutenues par les terroristes et dans lesquelles les terroristes se cachent eux-mêmes, et celles-là , il faut les éliminer. Il visait manifestement, dans cette troisième catégorie , ceux qui avaient écrit le rapport.
[3] Guerre civile entre Libéraux et conservateurs (1948-1953).
[4] Dans les années 60, l’Église catholique est bousculée par les transformations rapides qui s’effectuent de par le monde. Le pape Jean XXIII se lance lui-même dans une grande entreprise de changement : le Concile Vatican II. Pendant ce temps, en Amérique latine, un nouveau courant chrétien se développe marqué par une volonté de solidarité avec les pauvres, par des pratiques de conscientisation et d’émancipation, de participation dans les mouvements sociaux et les organisations populaires, et même, dans certains pays, dans les mouvements politiques d’obédience marxiste. L’idée que seulement un changement radical des structures politiques, économiques et sociales mené par les pauvres eux-mêmes pourrait venir à bout de la pauvreté fait son chemin.
[5] Guillermo León Valencia Muñoz, président de la République colombienne de 1962 à 1966.
[6] Belisario Betancur, président de la République colombienne de 1982 à 1986.
[7] Carlos Castaño, l’ex-leader des paramilitaires, reconnaît dans "Ma Confession" que la création des CONVIVIR était basée sur le même principe que les Autodéfenses et que "ceux qui en profitèrent étaient les narcotrafiquants qui se consacraient à monter de petites CONVIVIR sur leurs terres. Il était habituel de voir cinq camionnettes Toyota, avec un narco dedans escorté de manière impressionnante de gardes du corps portant des armes fournies par l’Etat".
[8] C’est l’époque des grands massacres de la région agricole et bananière d’Uraba, région connue pour sa grande tradition de luttes syndicales. Pour Uribe, les CONVIVIR ne servirent qu’à protéger les citoyens des kidnappings, des extorsions, des assassinats et des massacres commis par la guérilla. Comme il le déclara cyniquement à El Tiempo, le 3 février 2002 : "Aujourd’hui, Uraba est une zone où règne une bonne coexistence entre entrepreneurs et travailleurs".
[9] Le quotidien El PaÃs, de Cali, rapporte d’ailleurs dans son édition du 3 aoà »t 1998, de la fusion des CONVIVIR avec les paramilitaires : "Des représentants de coopératives de sécurité privées ont annoncé qu’ils s’armeront et s’uniront au mouvement paramilitaire des Autodéfenses Unies de Colombie - AUC".
[10] « Colombie : La sécurité à quel prix ? L’échec du gouvernement face à la crise des droits humains.  » Version résumée, préparée par la Coordination RAN-Nord d’AIBF (octobre 2003 - http://cbc.collectifs.net/)
[11] « Un des premiers réseaux créés l’a été dans le département du Cesar, où les liens entre les forces armées et les groupes paramilitaires sont particulièrement étroits. Des rapports indiquent déjà que les informations fournies par les réseaux d’indicateurs civils ont mené à des violations des droits humains, et que les membres de ces réseaux participent peut-être directement à des opérations militaires. Ainsi, le 24 septembre 2002, vers 5.50 du matin, Monguà Jerez Suárez a été gravement blessée, son mari, Florentino Castellanos et leur fils de 9 ans, Nilson Hernández ont été tués lorsque des soldats du bataillon “Nueva Granada” ont forcé leur domicile, situé à “Las Brisas de Yanacué”, municipalité de Cantagallo, département de Bolivar, apparemment suite à des informations fournies par des informateurs civils opérant dans la région. L’armée a par la suite fait savoir que “Florentino et Nilson étaient des membres des FARC et étaient morts au combat...  » Extrait de « Colombie : La sécurité à quel prix ? L’échec du gouvernement face à la crise des droits humains.  » Version résumée, préparée par la Coordination RAN-Nord d’AIBF (octobre 2003 - http://cbc.collectifs.net/)
[12] La Colombie a connu pendant les 50 dernières années différentes formes d’ « état d’urgence  » octroyant, pendant de longues périodes, à l’armée de larges pouvoirs, favorisant ainsi des violations flagrantes des droits humains. En 1991, la nouvelle constitution remplaçait le concept d’ « état d’urgence  » par celui de « commotion intérieure  ». Il s’agit d’un mécanisme temporaire, qui reste sous la supervision des pouvoirs législatif et judiciaire. Il est initialement prévu pour 90 jours renouvelables, mais ne peut en aucun cas dépasser 270 jours.
[13] Organisme public de défense des droits humains.
[14] Cité dans « Balance de dos anos de politica de “Seguridad Democratica” en Colombia  », rapport sur les deux années de Uribe que Izquierda Unida, à travers la députée Isaura Navaro, a présenté au ministère des Affaires étrangères espagnol.
[15] Epandage de produits chimiques.
[16] En septembre 1997, l’Observatoire géopolitique des drogues de Paris informait que la majorité de la cocaïne qui entrait par les ports d’Espagne, de Belgique et des Pays-Bas provenait des zones côtières colombiennes sous le contrôle des Autodéfenses unies de Colombie. Cités dans « Balance de dos anos de politica de “Seguridad Democratica” en Colombia  », rapport sur les deux années de Uribe que Izquierda Unida, à travers la députée Isaura Navaro, a présenté au ministère des Affaires étrangères espagnol.
[17] Un Euro équivaut à un peu plus de 3 000 pesos colombiens.
[18] « Le cas du général Rito Alejo del Rio est à cet égard emblématique. Dès sa prise de fonction, le “Fiscal general” Luis Camilo Osorio a opposé des objections à l’arrestation en juillet 2001 par du personnel technique de la “FiscalÃa”,du général Del Rio, accusé de complicité avec les paramilitaires dans la région d’Uraba en 1996-97, en considérant “qu’il aurait dà » être consulté” (ce qui n’est pas légalement nécessaire)...Quelques jours plus tard, un juge a accepté un “habeas corpus” en sa faveur, et le général Del Rio a été remis en liberté. Et plusieurs fonctionnaires qui suivaient l’affaire ont depuis été contraints de démissionner ou ont dà » quitter le pays après avoir subi des menaces de mort...  »
Extrait de « Colombie : La sécurité à quel prix ? L’échec du gouvernement face à la crise des droits humains.  » Version résumée, préparée par la Coordination RAN-Nord d’AIBF (octobre 2003 - http://cbc.collectifs.net/)
[19] Dans une interview accordée à Justin Podur en mars 2004, le Padre Giraldo affirmait également que « Les médias mirent l’échec des conversations au compte de « l’irresponsabilité des guérilleros  ». Le gouvernement a pourtant fait preuve de beaucoup d’irresponsabilité. Cependant, la campagne médiatique convainquit la majorité de l’opinion publique de la responsabilité des guérilleros. Cet état de fait aida les paramilitaires, et c’est ainsi que le terrain fut préparé pour Uribe.  » Extrait de « Réalités de la « Sécurité démocratique  », Justin Podur, RISAL, mars 2004. (http://risal.collectifs.net/article...)
[20] Le 25 octobre 2003, Uribe a organisé un referendum pour faire approuver des réformes constitutionnelles qui devaient permettre, entre autres, plus de privatisations ; des coupures plus importantes dans le budget social et dans le système de protection politique [dont bénéficie des leaders sociaux menacés, ndlr] ; et, aussi, sa propre réélection, ce qu’interdit la constitution colombienne. Pour approuver les réformes, Uribe avait besoin de la participation de 25% de l’électorat (6,25 millions de personnes). Les mouvements sociaux encouragèrent l’abstention et l’électorat s’abstint : Uribe ne pà »t atteindre que 6 millions de votes, insuffisants pour approuver les changements constitutionnels.
[21] Voir « Mobilisation massive contre le néolibéralisme  », Gary Leech, RISAL, 26 novembre 2004. (http://risal.collectifs.net/article...)
[22] La Constitution colombienne ne permettait pas à un président d’effectuer deux mandats d’affilée. La réforme a été approuvée depuis que cette interview a été réalisée.
[23] A l’époque de la campagne électorale.
[24] Alfredo Molano, “Démantèlement de l’état social de droit et autoritarisme”, octobre 2003, http//cbc.collectives.net