L’un des sujets abordés durant le Forum social mondial à Caracas en janvier dernier était le droit à la communication. Dans ce domaine le contexte vénézuélien constitue, au niveau mondial, un véritable laboratoire pour l’analyse des processus de communication massive. Après avoir tiré les leçons du coup d’Etat du 11 avril 2002, le gouvernement bolivarien essaie peu à peu de garantir son indépendance technologique.
« La connaissance est le premier pouvoir du peuple  », affirmait un jour le président vénézuélien Hugo Chavez. Mais qui dit connaissance dit avant tout communication. Et le pouvoir de cette dernière n’est effectivement plus à démontrer. Une des premières initiatives du gouvernement putschiste qui s’était emparé de Miraflores (le palais présidentiel à Caracas) le 11 avril 2002 [1], avait été de couper les émissions de Canal 8 (l’unique chaîne publique qui existait alors au Venezuela) et de fermer certaines radios et télévisions communautaires.
Le rôle des médias alternatifs et communautaires [2] dans la lutte pour l’émancipation sociale a été particulièrement souligné lors du Forum. Pour cela, il est nécessaire que ces médias sortent de la marginalité et de l’amateurisme. Ils doivent tendre vers une professionnalisation, non pas dans le sens où tous les journalistes qui y participent doivent être rémunérés mais bien dans l’idée d’améliorer la qualité de ces médias. Selon Osvaldo León, directeur de l’Agence latino-américaine d’Information (ALAI) [3], « Les médias alternatifs doivent être capables de répondre à la violence de la concentration du pouvoir médiatique. Si le FSM a su répondre au Forum économique mondial de Davos, les médias alternatifs doivent eux aussi répondre aux médias commerciaux.  »
Indépendance technologique
La Révolution bolivarienne ne peut s’émanciper sans une certaine indépendance technologique vis-à -vis des grandes puissances occidentales et des multinationales. C’est dans cette optique que le gouvernement vénézuélien, aidé par les « missions  » [4] et les communautés, essaie de faciliter l’accès aux nouvelles technologies. Parmi les multiples initiatives mises en Å“uvre, on peut notamment citer les InfoCentro. Il s’agit d’une sorte de cybercafés publics comptant en général une dizaine d’ordinateurs, avec accès gratuit [5]. Selon Adalnel Pantoja, coordinateur des InfoCentro dans l’Etat de Lara, il en existe actuellement 350 dans le pays mais l’objectif est d’en créer 350 de plus cette année : « Le but de ces centres est de favoriser l’inclusion sociale, de faciliter l’accès de la population à la technologie et à l’information. Cela aide également à développer le potentiel des communautés en favorisant la création de coopératives, de petites entreprises, de collectifs, etc.  »
Actuellement, de nombreux InfoCentro continuent de fonctionner sous Windows mais le but à terme est d’abandonner complètement ce système d’exploitation pour ne plus utiliser que des logiciels libres. « Les gens sont culturellement habitués à Windows, alors que Linux n’est pas plus difficile à utiliser. Nous nous donnons deux ans de transition pour passer définitivement à Linux. Un logiciel accessible gratuitement et permettant aux utilisateurs de participer à son amélioration en y apportant leurs modifications personnelles, c’est ça la véritable démocratie technologique  », affirme-t-il [6].
Satellite bolivarien
Afin de garantir à la population un accès aux TIC (Technologies de l’information et de la communication) à des prix abordables, le gouvernement bolivarien, appuyé par la technologie chinoise, a lancé récemment une chaîne de production d’ordinateurs (y compris portables) dans l’Etat de Falcon. La VIT (Venezolana de Industrias Tecnológicas) produira 80 000 unités dans sa première année, à un prix 30% en deçà de ceux pratiqués sur le marché [7].
A l’heure actuelle, le Venezuela travaille également à la construction d’un satellite avec l’aide des Chinois. « Le satellite Simon Bolivar devrait être opérationnel en 2008. Il sera mis au point par une équipe sino-vénézuélienne et nous permettra d’assurer notre indépendance technologique  », affirme Monsieur Pantoja. Ce satellite permettra d’amener la technologie dans les coins les plus reculés du pays avec l’aide des missions sociales mais il garantira également le transfert sécurisé d’informations pour le gouvernement [8].
[1] [NDLR] Consultez le dossier « Coup d’État au Venezuela  » sur RISAL.
[2] [NDLR] Consultez le dossier « Médias communautaires  » au Venezuela sur RISAL.
[3] Voir : http://risal.collectifs.net/source.....
[4] [NDLR] Les « missions  » sont les programmes sociaux d’alphabétisation, de santé et d’éducation notamment lancés par le gouvernement vénézuélien à partir de 2003.
[5] Concrètement, chaque habitant a droit à une demi-heure de connexion par jour. S’il désire mener une recherche plus approfondie qui nécessite plus de temps, il peut en faire la demande. De même que des groupes peuvent demander à suivre des cours basiques d’informatique, gratuits eux aussi. Il existe également des Mega InfoCentro comptant entre 30 et 40 machines.
[6] [NDLR] A ce sujet, lire Cleto A. Sojo, Le Venezuela choisit Linux et les logiciels libres, RISAL, 24 décembre 2004.
[7] “Venezuela y China crean empresa Venezolana de Industrias Tecnológicas para el ensamblaje de computadoras", http://aporrea.org/dameverbo.php?do....
[8] "MCT anuncia inicio de proyecto Satélite Simón BolÃvar para finales de año", http://www.aporrea.org/dameverbo.ph....
Source : La Gauche (www.sap-pos.org), mensuel du Parti ouvrier socialiste, Bruxelles, mars 2006.