L’agence fédérale chargée d’établir et d’appliquer la politique sur les peuples indigènes au Brésil, la Fondation nationale de l’indien (FUNAI, Fundação Nacional do Indio) a annoncé le 30 janvier que le gouvernement du président Luis Inacio Lula da Silva se propose d’augmenter d’un point le pourcentage de territoire national aux mains des indigènes, actuellement de 12,5%. Pour cela il devra démarquer environ 100 territoires.
En dépit de cette annonce, les leaders des 241 peuples auxquels appartiennent les 734 000 indigènes qui vivent sur le territoire brésilien voient cette annonce avec méfiance, à cause de leur déception face à la direction prise par la politique indigéniste du gouvernement de Lula au regard des progrès qu’ils espéraient dans ce domaine.
La Constitution de 1988 prévoyait que dans un délai de cinq ans toutes les zones indigènes devaient être dà »ment démarquées. Cependant, selon des données du Conseil indigéniste missionnaire, (CIMI, Conselho Indigenista Missionario) lié à l’Eglise catholique, en octobre 2005, seules 323 des 850 terres indigènes du pays étaient dà »ment cadastrées, soit 38% du total. Dans rien moins que 229 zones, 27% du total, aucune mesure n’avait été adoptée. Les étapes sont : identifier, déclarer, homologuer et finalement enregistrer au cadastre.
« Beaucoup des terres démarquées sont en outre envahies par des exploitants forestiers, des mineurs et de grands propriétaires terriens  », fait remarquer Pedro Casaldáliga - évêque émérite de São Félix do Araguaia, dans l’état du Mato Grosso, et l’un des symboles de la défense des peuples indigènes d’Amérique latine, au Brésil en particulier - qui ne voit pas d’avancées significatives de la question indigène sous le gouvernement du président Lula. « L’intérêt de l’agro-industrie prévaut sur celui de la défense des peuples indigènes. La politique indigéniste au Brésil est bloquée  ».
Des occasions perdues
Pour Ailton Krenak, du Noyau de culture indigène (Núcleo de Cultura IndÃgena), dont le siège est à Nova Lima, dans l’état de Minas Gerais, « les deux gouvernements, celui de Fernando Henrique Cardoso (1995-2003) et le gouvernement actuel de Lula, ont laissé passer l’occasion d’adopter un statut pour les sociétés indigènes qui garantisse effectivement nos droits immémoriaux. Actuellement la lutte des peuples indigènes continue pour faire valoir leurs droits, en conflit avec les intérêts de grands projets.  »
Le gouvernement de Lula se défend en publiant des chiffres selon lesquels la politique indigéniste actuelle connaîtrait de plus grandes avancées que sous les gouvernements antérieurs, y compris en termes de régularisation des zones indigènes.
De 2003 à aujourd’hui, le gouvernement a démarqué 55 terres indigènes, un record en trois ans de mandat, indique la FUNAI. Mais pour les organisations indigènes, le fait que l’année dernière le gouvernement n’ait reconnu que cinq territoires indigènes est un une preuve du manque de volonté politique.
Plus préoccupant encore est le nombre d’indigènes brésiliens assassinés en 2005 : 38, le chiffre le plus élevé des onze dernières années. Pour le CIMI, cette augmentation des assassinats est dà »e à la non reconnaissance de la part du gouvernement de la terre indigène.
Les défis sont encore énormes pour la population indigène du Brésil. Ainsi le confirme l’étude récemment divulguée par l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IGBE), dépendant du gouvernement, « Tendances démographiques : une analyse des indigènes basée sur les résultats de l’échantillon des recensements démographiques de 1991 et 2000  »
L’étude, qui fait une analyse de la population se considérant comme indigène dans les questionnaires des échantillons des deux recensements, indique que le taux de mortalité infantile est de 52,4 enfants indigènes de moins d’un an pour 1000 enfants nés vivants, contre une moyenne nationale de 30,1 pour 1000. Chez les Guaranà Kaiowá, qui vivent à la frontière avec le Paraguay, la mortalité infantile est de 100 pour 1000, équivalente à celle des pays d’Afrique les plus pauvres.
De plus en plus pauvres
Pour Krenak, les indigènes ont été affectés par le processus de « misérabilisation  » par lequel est passée toute la population brésilienne depuis les années 90.
« Aujourd’hui, malgré de nombreuses conquêtes, les indigènes sont en général abandonnés aux forces du marché, soumis aux intérêts des grandes entreprises forestières, minières et des latifundistes  », affirme-t-il.
Cependant, le gouvernement de Lula indique que le budget pour tous les projets en rapport aux zones indigènes a atteint 81 millions de dollars en 2003, et qu’il sera de 138 millions de dollars en 2006. En tenant compte de l’inflation pendant cette période, et si ce budget prévisionnel est confirmé, le gouvernement de Lula aura investi environ 500 millions de dollars dans la politique indigène en 4 ans.
Le budget prévisionnel fédéral de 2006 inclut pour la première fois des ressources destinées spécialement aux femmes indigènes, bien que ce soit une somme quasiment symbolique, environ 100 000 dollars pour la promotion des activités traditionnelles des femmes indigènes.
« Quand on analyse le budget fédéral, il en ressort de manière évidente que les revendications des femmes indigènes, qui souhaitent une considération de genre « orientée ethniquement  » sont encore moins prises en compte  », observe l’Institut socio-économique dans sa publication « Femmes indigènes dans les politiques publiques  »
Source : Noticias Aliadas, (www.noticiasaliadas.org/), 29 février 2006.
Traduction : Annie Esponda Diaz, pour RISAL (www.risal.collectifs.net/)