Achats d’armements préoccupants
Course aux armements en Amérique du Sud ?
Article publié le 9 juin 2004

Périodiquement, le fantôme des vieilles disputes territoriales resurgit en Amérique du sud, provoquant une course àl’armement qui laisse sur le carreau d’autres besoins sociaux dans chaque pays.

Avion de la Force aérienne chilienne. (Noticias Aliadas)

La Bolivie et le Pérou accusent le Chili de promouvoir une course àl’armement depuis que le gouvernement chilien a décidé en 2002 d’incorporer àsa force aérienne 10 avions de chasse américains F-16 ainsi que quatre frégates hollandaises recyclées et deux sous-marins Scorpene italiens pour l’Armée.

Les craintes d’une guerre sont un héritage de la Guerre du Pacifique (1879-83) durant laquelle le Pérou a perdu la province de Tarapacá et la Bolivie celle d’Antofagasta, unique territoire côtier de ce pays qui développe une grande campagne pour un accès souverain àla mer.

Dans une tentative pour stopper la course aux armements, la Chancellerie a proposé au Chili, il y a deux ans, un compromis de limitation d’achat d’armes, mais le gouvernement du Président Ricardo Lagos a répondu qu’il ne désirait pas augmenter son pouvoir militaire mais bien remplacer les équipements obsolètes.

Selon des informations publiées en février par le journal péruvien La República, le Chili a un programme d’équipement belliqueux supérieur àcelui de tous ses voisins réunis. Rien que pour l’achat des avions F-16 et les deux sous-marins Scorpene, le Chili a dépensé plus d’un milliard de dollars. De plus, pour 2008, l’armée chilienne disposera de plus de 500 projectiles sophistiqués, incluant des missiles anti-chars et anti-aériens.

Des données du Département de la Défense des Etats-Unis signalent que le pouvoir belliqueux du Chili est 5 fois supérieur àcelui du Pérou.

La Colombie, pour sa part, a convenu avec l’Espagne, au début de cette année, de l’achat de 46 tanks équipés avec des canons de 120mm et leurs obus respectifs, lesquels, selon un expert en sécurité ayant demandé l’anonymat, sont clairement dirigés contre le président du Venezuela Hugo Chavez.

Sur le côté atlantique sud-américain, le Brésil va acquérir progressivement, àpartir de 2006, de 53 avions de chasse bombardiers supersoniques AMX, qui auront une capacité pour transporter jusqu’à4TM de bombes intelligentes, missiles et fusées, d’après le quotidien O Estado de Sao Paulo.

Pour le général àla retraite de l’armée brésilienne, Gerardo Cavagnan, chercheur au Núcleo de Estudios Estratégicos de Campinas, à100 km de Sao Paulo, les nouvelles acquisitions d’armement ne signifient pas qu’il y ait une course àl’armement en Amérique du sud.

« Le Chili n’est pas en train de se réarmer ; mais bien de réarmer ses avions, comme s’apprête àle faire le Brésil, dont les vieux bombardiers Mirage ne sont plus qu’un tas de ferraille,  » affirme-t-il.

L’expert argentin Rosendo Frago est d’accord avec Cavagnan : « Je ne partage pas le critère selon lequel il existe une course àl’armement en Amérique du Sud. Au contraire, la région est celle qui consacre la plus petite part de son PIB àla défense, dans le monde.  »

D’après des chiffres du Centre d’Etudes Nueva Mayoria d’Argentine, l’Amérique latine consacre 1.6% de son PIB àla défense, moins de la moyenne mondiale qui est de 2.3%.

Pour le général àla retraite colombien Manuel José Bonett, « l’armement, il y a toujours eu et il y en aura encore, parce que les fabricants d’armes et leurs intérêts dans le monde sont trop puissants et sont fort connectés avec la grande politique des pays riches, lesquels auront toujours besoin de vendre des armes pour maintenir leurs économies.  »

Dans ce scénario, il est difficile, si pas impossible, d’établir des compromis effectifs de désarmement en Amérique latine, malgré la rhétorique des forums intergouvernementaux et les bonnes propositions des organisations comme la Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL - ONU) qui, depuis la moitié des années 90, a commencé àtravailler sur une méthodologie d’homogénéisation des dépenses militaires àla demande des gouvernements chilien et argentin, qui se sont disputés pour le canal de Beagle, àl’extrémité sud du continent.

Cette initiative est fondamentale pour éclaircir les discussions sur les coà»ts opératifs et administratifs, de substitution ou rénovation des équipements, potentiel belliqueux ou autres sujets qui empêchent d’arriver àdes accords.

Les conversations sur le désarmement sont généralement des dialogues de sourds et l’initiative de la CEPAL, qui cherche àatteindre la transparence comme base de négociations effectives, court le risque d’échouer par manque d’informations de confiance.

« Les gouvernements ne sont pas disposés àrendre disponible l’information sur leurs dépenses de défense,  » a dit Santiago Escobar, chercheur àl’Institut d’Etudes stratégiques et de Sécurité internationales, basé àSantiago du Chili. « Il y a une espèce d’alliance corporatiste avec les forces armées. C’est pour cela que j’ai proposé la création d’un Observatoire de la sécurité, un organisme indépendant comme ceux qui existent àLondres, Stockholm ou aux Etats-Unis  »

Escobar considère que « le Chili a dépensé excessivement  » dans ce qu’il appelle une « surdose de fers sans modernisation opérative  ». Les F-16 représentent une « question de prestige  » pour la force aérienne, car ce sont des équipements avancés, mais sans infrastructure de communication adéquate, ni autres compléments nécessaires.

Chaque décollage d’une chasseur-bombardier sophistiqué implique une dépense de $3000, et un entrainement optimal pour utiliser ces avions demande au moins 16 heures de vol par semaine, avec deux équipages, ce qui dépasse le budget de n’importe quel budget militaire latino-américain a indiqué Escobar.

L’ex-Chancelier péruvien Luis González Posada a signalé que l’achat d’armes est en train d’être privilégié au détriment du développement social.

« Il n’existe pas de risque de conflit,  » a affirmé González, parce que la majorité des disputes frontalières sont déjàrésolue, comme c’est le cas pour l’Argentine et le Chili et l’Equateur et le Pérou, disputes qui en fin de compte sont génératrices de l’armement.

Pour González Posada, l’assignation des fonds importants àl’acquisition d’armement de haute technologie et d’un grand pouvoir destructif implique un gaspillage des ressources. « Le coà»t d’un avion de combat F-16 équivaut àdonner àla population 17.000 maisons gratuitement,  » a-t-il observé.

Source : Noticias Aliadas, 23 mai 2004.

Traduction : Zoé Maus, pour RISAL.

Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet article demeurent l'entière responsabilité de l'auteur-e et ne reflètent pas nécessairement ceux du Réseau d'Information et de Solidarité avec l'Amérique Latine (RISAL).
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