Luis Macas a été le dirigeant de l’historique soulèvement indigène de 1990, député du mouvement Pachakutik entre 1996 et 1998 et ministre de l’Agriculture de Lucio Gutiérrez en 2003. Il est avocat et linguiste et a été recteur de l’Université interculturelle des nationalités et des peuples. « Les diplômes m’ont été utiles pour 10% de ma carrière, le reste je l’ai appris dans les communautés  », quantifie le dirigeant indigène dans une interview à Pagina/12, au siège de son parti.
Dans quelle situation se trouve le mouvement indigène équatorien ? Les sondages semblent vous être défavorables.
Deux semaines après ma nomination [comme pré-candidat à l’élection présidentielle] par le mouvement indigène, nous sommes encore en train de mettre en place ma candidature. Nous proposons ma pré-candidature en vue d’arriver à une large unité mais, jusqu’à maintenant, il s’est avéré difficile de parvenir à des consensus. Nous sommes aujourd’hui en train de discuter des noms avant de préparer un projet commun.
Vous avez reçu mardi (13/06) l’appui d’Evo Morales. Quelle en est votre analyse ?
Je crois, tout d’abord, qu’il y a une identité commune entre les peuples indigènes de Bolivie, d’Equateur, du Pérou et de Colombie, mais on peut aussi établir très clairement qu’il y a une identité politique commune qui se manifeste aujourd’hui dans cet appui moral et politique du président Morales pour avancer dans ce processus historique. Il est le premier président indigène depuis 500 ans et à notre avis qu’il gouverne très bien, c’est pour cette raison que nous l’avons nommé président des indigènes d’Amérique et que nous allons proposer sa candidature pour le prix Nobel de la Paix.
Hugo Chávez appuie Rafael Correa [1] ?
Je ne pourrais pas vous dire si Chávez appuie Correa, mais il est vrai que certains mouvements bolivariens en Equateur sont avec lui et certainement qu’à travers eux ils disposent d’une certaine sympathie de la part de Chávez, qui a aussi manifesté son soutien au mouvement indigène, bien qu’il n’y ait pas eu de dialogue direct.
Le soulèvement contre Oxy [2] et le traité de libre-échange (TLC, sigles en espagnol) [3] ont redynamisé la Confédération des Nationalités Indigènes d’Equateur (CONAIE) ?
Le mouvement indigène a subi un revers sous le gouvernement de Lucio Gutiérrez [4] (2003-2005), ce n’est pas la première fois qu’on nous donne des coups pour préserver le modèle néolibéral contre lequel nous luttons, mais la politique de Gutiérrez nous a frappés d’autant plus que nous l’avions appuyée. Ce ne sont pas seulement les mobilisations contre Oxy et le TLC qui ont réaffirmé le positionnement du mouvement indigène, ce sont également les luttes pour empêcher la privatisation des services publics et pour la souveraineté nationale. Nous nous sommes fermement opposés à l’adhésion au Plan Colombie [5]. Aujourd’hui, l’Equateur est totalement conditionné par le projet du Nord, comme on peut le voir à propos de la base de Manta [6] pour, soi-disant, lutter contre le narcotrafic.
Pourquoi croyez-vous que les sondages donnent autant de soutien à Lucio Gutiérrez ?
Je crois et je ne crois pas aux sondages. Je pense que c’est une manÅ“uvre de la droite qui commence à le laisser s’exprimer librement pour présenter sa candidature, bien que pour le moment il en soit empêché, et pour diviser les votes de notre tendance. Mais je ne le crois en aucune manière en condition de passer au second tour. Les gens n’ont pas perdu la mémoire sur le désastre qu’a été son gouvernement ; du moins dans nos organisations de base, Gutiérrez n’a aucun appui.
[1] [NDLR] Ex-ministre de l’Economie de Alfredo Palacio, Rafael Correa est considéré comme un « Stiglitz équatorien  » par un analyste politique. Il est le candidat de Alianza PaÃs aux élections présidentielles d’octobre 2006. Il disposerait de la sympathie du président vénézuélien Hugo Chávez.
[2] [NDLR] Le 15 mai 2006, le gouvernement équatorien a résilié le contrat d’exploitation de l’entreprise transnationale Occidental Petroleum Corporation (OXY) qui opérait dans l’ouest du pays suite à des irrégularités légales commises par l’entreprise. Il s’agit sans conteste d’une victoire du mouvement social qui réclamait depuis longtemps l’expulsion de cette transnationale états-unienne.
[3] [NDLR] Lire à ce propos Angel Guerra Cabrera, le mouvement indigène équatorien relève la tête, RISAL, 17 mars 2006.
[4] [NDLR] Consultez le dossier « La trahison de Lucio Gutierrez  » sur le RISAL.
[5] [NDLR] Consultez le dossier « Plan Colombie / Initiative andine  » sur le RISAL.
[6] [NDLR] En 1999, les gouvernements équatorien et états-unien signaient une convention octroyant, pour une période de 10 ans renouvelables, l’usage de la base militaire de la côte pacifique de Manta à l’armée nord-américaine. Les bases navale et aérienne de Manta, en Équateur, sur la côte, à une heure de vol de la frontière colombienne sont sous la juridiction exclusive de Commandement Sud (US SouthCom) des forces armées états-uniennes. Manta est un centre de commandement de la marine et de l’aviation, dirigeant notamment des opérations clés des mercenaires de la Dyncorp.
Source : Pagina/12 (www.pagina12.com.ar/), Buenos Aires, 16 juin 2006.
Traduction : Marie-José Cloiseau, pour le RISAL (www.risal.collectifs.net).