En un tour de main, le président bolivien Evo Morales a modifié la carte géopolitique du continent. La nationalisation des hydrocarbures décidée le 1er mai place les deuxièmes plus grandes réserves de gaz d’Amérique du Sud sous le contrôle de l’État. Le pétrole et le gaz sont devenus des armes redoutables capables de redessiner les alliances des pays sud américains, comme le montre l’étroite relation qu’ont nouée le Venezuela et la Bolivie - qui à eux deux possèdent les plus importantes réserves de gaz et de pétrole. Ces deux pays ont pris l’initiative politique en supplantant les principales puissances de la région.
A vrai dire, Evo Morales n’avait pas beaucoup d’options. Ou bien il nationalisait les ressources naturelles, ou bien son gouvernement s’engageait dans une voie à l’issue difficile qui risquait de déboucher sur une crise politique comme cela s’est produit avec ses deux prédécesseurs, Gonzalo Sanchez de Lozada [octobre 2003] et Carlos Mesa [juin 2005], qui ont dà » abandonner le pouvoir sous la pression populaire qui était en faveur de la nationalisation du gaz. La population perçoit que celui-ci constitue la dernière ressource stratégique du pays le plus pauvre de la région pour assurer la viabilité du projet national.
La nationalisation a provoqué la crise des anciennes alliances et l’apparition de nouveaux rapports de forces. En attendant, comme le fait remarquer M. Carlos Alvarez, président de la Commission permanente du Mercosur [1], il faut analyser la carte régionale avec prudence, car « elle est en train de se redessiner  » [2]. En effet, le Mercosur est en crise, la Zone de Libre-Echange des Amériques (ZLEA) [3] reste paralysée, la Communauté Andine des Nations (CAN) [4] est sur le point de se dissoudre et la Communauté Sud-américaine des Nations (CSN) [5] est au point mort. Sur les ruines des initiatives d’intégration antérieures semblent se construire de nouveaux rapports de forces qui ne sont pas encore consolidés. Bien que l’on respire une atmosphère de contradictions et de conflits régionaux, propres d’une période de changements aigus, il semble évident que la nouvelle carte régionale sera très différente de celle des décennies antérieures et, plus particulièrement, de celle dessinée par le Consensus de Washington.
La situation antérieure
En novembre 2005, le sommet des Amériques de Mar del Plata a entériné l’échec de la ZLEA [6]. A cette occasion, les quatre pays du Mercosur (l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay) auxquels s’est joint le Venezuela, ont agi de concert et rejeté la proposition du président George W. Bush. Cet échec a accéléré l’histoire récente. Jusqu’alors, le Mercosur surmontait avec certaines difficultés les relations commerciales toujours tendues entre l’Argentine et le Brésil. Tout indiquait qu’il tendait à l’élargissement avec l’entrée du Venezuela (entérinée en décembre 2005), processus qui laissait penser que d’autres pays pourraient y adhérer. D’un autre côté, la CSN, créée en 2004 à l’initiative du Brésil et regroupant tous les pays sud-américains, pouvait même servir d’alternative au Mercosur sur le point d’être dépassé faute de pouvoir accueillir tous les pays.
A la suite à la réunion de Mar del Plata, une série de faits se sont succédé, concentrés en un mois d’avril dense, rempli de réunions et d’événements extraordinaires. D’un côté, les Etats-Unis ont intensifié l’offensive pour signer des traités de libre-échange avec les pays andins. La Colombie et le Pérou ont ainsi adhéré au Traité que le Chili a signé avec les Etats-Unis dans les années 1990, bien que leurs parlements respectifs n’aient toujours pas donné leur aval. Au Pérou, l’intense processus électoral - dont l’issue est encore incertaine - pourrait rendre difficile la ratification du Traité [7]. En janvier, Evo Morales est devenu président et a initié un processus de changements que les principaux pays de la région, notamment l’Argentine et le Brésil d’un côté, mais également le Venezuela de l’autre, suivent de très près. Parallèlement à cela, en Equateur, le projet de traité de libre-échange est bloqué par le puissant soulèvement indigène du mois de mars dont l’axe central a été le rejet de l’accord, dans une situation caractérisée par un gouvernement faible et de transition jusqu’aux prochaines élections présidentielles.
Depuis le mois de décembre, la crise du Mercosur s’accentue. S’il est vrai que l’Argentine et le Brésil se sont peu à peu rapprochés et commencent à chercher des solutions pour résoudre les profondes asymétries économiques et commerciales, le conflit social provoqué par la construction de deux grandes usines de cellulose sur la rive gauche du fleuve Uruguay a tendu les relations entre les gouvernements de Nestor Kirchner [Argentine] et de Tabaré Vasquez [Uruguay]. Les mobilisations massives des habitants de la rive argentine du fleuve, qui sont allés jusqu’à empêcher la circulation sur les ponts internationaux, ont aiguisé un conflit qui accélère l’éloignement progressif de l’Uruguay du Mercosur [8].
Alors que les relations entre Buenos Aires et Brasilia s’améliorent visiblement, des tensions apparaissent entre les membres de moindre poids (l’Uruguay et la Paraguay) qui affirment que leurs intérêts ne sont pas pris en compte par les « grands  » de la région. De plus, à cette situation viennent s’ajouter les propositions d’intégration promues par Hugo Chavez, dont le fer de lance est la construction d’un énorme gazoduc (baptisé Gazoduc du Sud) de presque 10 000 kilomètres de long reliant le Venezuela à l’Argentine en passant par le Brésil, qui coà »tera d’après les estimations quelque 23 milliards de dollars. Pour l’analyste argentin Julio Godio, la situation qui a prévalu jusqu’au mois de mars pourrait être perçue comme l’affrontement de deux scénarios : d’un côté, l’avancée des traités de libre-échange, qui créent « une situation (transitoire) de balkanisation  » ; de l’autre, la vigueur de ce qu’il considère comme « un espace néo développementaliste  » créé par l’alliance entre l’Argentine, le Brésil et le Venezuela [9]. Simultanément, au cours du très important mois d’avril, le président vénézuélien a décidé de se retirer de la CAN en raison du rapprochement de la Colombie et du Pérou avec les Etats-Unis, et s’est ingéré dans les élections péruviennes en prenant parti pour le candidat nationaliste Ollanta Humala [10], provoquant ainsi un conflit avec le président Alejandro Toledo et le candidat Alan Garcia.
Dans ce contexte, le président vénézuélien prend un risque. Le 19 avril, il a participé à la réunion à Asunción [Paraguay] entre la Bolivie, le Paraguay et l’Uruguay au cours de laquelle il a été envisagé de modifier le tracé du gazoduc dans le but de contourner l’Argentine, à la demande du président uruguayen. Pour être fournisseur de pétrole et le principal bailleur de fonds du gazoduc, Chavez joue un rôle de premier plan. La réaction de l’Argentine et du Brésil a été foudroyante : ils ont convoqué une réunion le 26 avril à São Paulo au cours de laquelle Luiz Inacio Lula da Silva et Nestor Kirchner se sont rencontrés en tête à tête avant d’avoir un entretien avec Hugo Chavez. Quelques jours plus tôt, à La Havane, le Venezuela, la Bolivie et Cuba avaient signé le Traité de commerce des peuples (TCP) qui scellait une nouvelle alliance régionale. Lors de la réunion de São Paulo, Lula et Kirchner ont reproché à Chavez de s’ingérer dans les affaires du cône Sud : le premier l’a accusé de monter la Bolivie contre l’entreprise pétrolière brésilienne Petrobras [11] ; le second lui a dit de ne pas soutenir les revendications des petits pays contre les grands. La réunion a permis de faire des avancées importantes en ce qui concerne les délais de construction du gazoduc et tous sont sortis satisfaits de la réunion.
Après l’adoption, le 1er mai, du décret de nationalisation des hydrocarbures en Bolivie, Lula a de nouveau invité Kirchner, Chavez et Morales à se réunir le 4 mai à Puerto Iguazu (en Argentine) pour discuter de la sécurité énergétique en Amérique du Sud.
Les conséquences de la décision prise par Evo Morales
Les grands pays de la région ont des problèmes énergétiques. Jusqu’à il y a peu, l’Argentine était un pays autosuffisant et exportateur de gaz et de pétrole. Cependant, la privatisation de l’entreprise d’Etat, au début des années 1990, a eu pour conséquence l’arrêt des investissements destinés à la prospection du gaz et du pétrole, de sorte que les réserves ont dramatiquement baissé. En 1989, quand a commencé la privatisation du secteur pétrolier, les réserves de pétrole étaient de 14 ans et celles de gaz, de 37 ans. En 2004, elles étaient respectivement de 9 et de 10 ans. Malgré cela, 25% de la production annuelle de pétrole et 15% de celle de gaz continuent d’être exportés [12], si bien que, d’ici quelques années, l’Argentine devra importer des hydrocarbures et passera de l’autosuffisance à la dépendance.
Le Brésil est devenu, depuis peu, autosuffisant en pétrole, mais il doit importer la moitié du gaz qu’il consomme de Bolivie, qui s’avère vital pour l’industrie de São Paulo, centre économique et politique du pays où se concentre 40% de son PIB. Toutefois, l’autosuffisance en pétrole n’est pas assurée, car le néolibéralisme a entraîné la privatisation d’une bonne partie de l’entreprise publique Petrobras à tel point que 60% des actions n’appartiennent plus à l’Etat mais à des intérêts privés états-uniens ou à leurs prête-noms [13]. Ainsi, au Brésil, il y a une forte polémique autour du bien-fondé ou non de continuer à vendre les réserves de pétrole à des entreprises étrangères exportatrices plutôt que de « le mettre de côté  » en prévision des jours difficiles qui se profilent à l’horizon, comme le font les Etats-Unis et la Chine [14].
D’une certaine manière, en matière énergétique, les grands pays de la région dépendent de pays très pauvres, comme la Bolivie, ou de taille moyenne, comme le Venezuela. D’un autre côté, le revers de la médaille de la privatisation partielle de Petrobras est que l’entreprise s’est lancée à la conquête des réserves d’hydrocarbures du continent, notamment en Bolivie (dont elle contrôle 20% du PIB), en Argentine (dont elle contrôle 15% du marché des combustibles) et en Equateur (où elle a de graves problèmes avec les peuples indigènes). La manière dont Petrobras se comporte met le Brésil en porte-à -faux dans la région et représente une entrave à l’intégration régionale dans la mesure où elle stimule la concurrence plutôt que la collaboration entre pays.
Cette situation de dépendance du Brésil et de l’Argentine a été mise en évidence par les réactions qu’a provoquées la nationalisation en Bolivie, qui, à court terme, entraînera la hausse du prix du gaz et la perte des réserves que Petrobras détient dans le pays andin. L’Argentine bénéficie d’un approvisionnement en gaz assuré de la part de la Bolivie mais le prix devra augmenter. Parallèlement, la construction du Gazoduc du Sud revêt pour elle une importance fondamentale si elle veut réduire une éventuelle dépendance en matière de pétrole. La situation du Brésil est différente : le puissant patronat de São Paulo n’est pas disposé à payer plus cher le gaz bolivien tandis que les actionnaires de Petrobras pourraient voir chuter leurs dividendes si, comme l’a annoncé Lula, l’entreprise est obligée d’absorber l’augmentation du prix du gaz [15]. De fait, la Bolivie vend au Brésil de 27 à 30 millions de mètres cubes de gaz par jour à un prix compris entre 3,2 et 3,4 dollars le million de BTU (Unité Thermique Britannique), et à l’Argentine de 4,5 à 7 millions de mètres cubes par jour à 3,18 dollars le million de BTU. En comparaison, la multinationale britannique British Gas vendra du gaz naturel au Chili à un prix de 7 dollars le million de BTU. Par conséquent, si la Bolivie vend son gaz à un dollar de plus, ses revenus augmenteront de 300 millions de dollars.
De plus, le Brésil, le plus lésé dans cette affaire, ne voit pas d’un bon Å“il le rôle régional de plus en plus important que joue Hugo Chavez. Lula n’a pas caché son malaise à l’égard de Chávez, et son ministre des Affaires étrangères, Celso Amorim, fait des déclarations mettant en garde contre l’attitude de Chavez qui met en péril aussi bien le Gazoduc du Sud que l’intégration régionale [16]. Il est certain que, comme le soulignent certains analystes, « Chavez est devenu la figure clé prédominante du fait politique en Bolivie [17]  ». Pour son gouvernement, cela est tout bénéfice : il se fait un nouvel allié dans la région, son initiative politique s’en trouve renforcée et il met le Brésil dans une situation difficile, en ce sens que ce dernier a dà » adopter un profil bas devant Evo Morales alors que l’opinion publique et les médias brésiliens poussent le gouvernement à faire preuve de fermeté à l’égard de la Bolivie. Pire encore, le président bolivien a durement attaqué Petrobras en disant que l’entreprise travaillait « illégalement  » et qu’elle faisait maintenant du chantage à la Bolivie [18]. De son côté, se sentant obligée de défendre les intérêts de ses actionnaires privés, Petrobras a menacé de recourir aux tribunaux [d’arbitrage] de New York et de ne plus investir en Bolivie.
Tout cela aiguise les contradictions entre des pays qui travaillaient coude à coude à l’intégration régionale et faisaient front commun contre la ZLEA. Sur ce point, il faut reconnaître que Petrobras est dans l’oeil du cyclone. Cette entreprise est la deuxième en importance de la région et elle fait d’énormes bénéfices : au cours du premier trimestre de 2006, ses bénéfices nets se sont élevés à 3 milliards de dollars, ce qui représente une hausse de 33% par rapport à 2005 [19]. L’entreprise se comporte comme n’importe quelle autre transnationale du pétrole, mais, comme l’Etat brésilien n’a qu’un contrôle partiel sur ses décisions, il en résulte de graves contradictions entre les intérêts de Petrobras (qui en dernière instance sont décidés à la Bourse de New York) et ceux de l’Etat brésilien.
Un panorama incertain
Même si l’ampleur des changements en cours est évidente, il n’est pas simple de faire des pronostics sur le cap que prend la région. Les traités de libre-échange avec les Etats-Unis enregistrent des progrès évidents, mais se heurtent à de sérieuses difficultés. Un bon exemple en est ce qui se passe avec les producteurs de soja en Bolivie. Ce pays en exportait 500°000 tonnes par an en Colombie pour un montant de 160 millions de dollars. En signant le traité de libre-échange, la Colombie doit importer tout son soja des Etats-Unis, pays dont les agriculteurs sont fortement subventionnés par le gouvernement [20]. Logiquement, les producteurs boliviens ont tendance à consolider les liens qui les unissent à ceux qui s’opposent aux traités de libre-échange, comme le président Evo Morales, ce qui permet la formation de vastes mouvements opposés à la politique de Washington. « La vague de conflits en Equateur, au Pérou et en Colombie due à la signature du TLC avec les Etats-Unis, la fermeture des débouchés pour le soja bolivien et la crise de la CAN qui en a résulté, sont les premiers impacts économiques et sociaux causés par la signature du traité de libre-échange entre les pays andins et les Etats-Unis, dont les conséquences à moyen terme sont encore imprévisibles  » [21].
Ceux qui s’opposent à cette forme d’intégration verticale, c’est-à -dire ceux-là mêmes qui ont convergé à Mar del Plata pour mettre un frein à la ZLEA, n’ont pas de projet unique, mais se répartissent en deux grands courants contradictoires, voire opposés. En ce qui concerne les gouvernements, un nouveau regroupement composé de la Bolivie, de Cuba et du Venezuela est en train de s’esquisser, au sein duquel se combinent certaines convergences idéologiques - comme le rejet des politiques états-uniennes - et des propositions telles que l’ALBA (l’Alternative bolivarienne lancée par Hugo Chavez) [22], qui ne réussit pas à convaincre les principaux pays du continent.
Une nouveauté dans ce domaine est la récente formulation par le gouvernement bolivien du Traité de commerce des peuples signé en avril à La Havane par ces trois pays. Il s’agit d’une proposition d’Evo Morales visant à mettre en Å“uvre une nouvelle façon de faire du commerce, qui assure des débouchés aux petits producteurs, aux artisans, aux micro-entrepreneurs, aux coopératives et aux associations communautaires. Toutefois, c’est un projet en gestation qui, au-delà de ses bonnes intentions, pourra difficilement avoir des répercussions à l’échelle régionale.
D’autre part, la nationalisation des hydrocarbures boliviens peut influencer d’autres pays de la région, comme l’Equateur, où des élections auront lieu en octobre prochain et où le gouvernement vient d’annoncer qu’il mettait fin au contrat de la société pétrolière états-unienne OXY. Ce pays exporte du pétrole depuis des décennies, mais ne dispose même pas d’une seule raffinerie et il doit importer de l’essence et du diesel. Le projet bolivien d’industrialisation du gaz peut inciter d’autres pays à en faire autant.
Quoi qu’il en soit, le projet de plus grande envergure lancé jusqu’ici en matière d’hydrocarbures est celui du Gazoduc du Sud qui doit faire face à de sérieuses difficultés pour se concrétiser, s’agissant en réalité d’une initiative à caractère politique plutôt qu’économique. Le ministre bolivien des Hydrocarbures, Andres Soliz Rada, a déclaré que son objectif en ce qui concerne le gazoduc est qu’il soit construit par des entreprises publiques : « De ce point de vue là , le Brésil a un problème, car Petrobras a été privatisée à 60%. Le gouvernement a beau détenir des actions privilégiées de l’entreprise, il reste que les transnationales ont une influence notoire sur cette dernière. Et, pour que ce projet puisse se réaliser, il faut que Petrobras rende transparentes les relations qu’elle entretient avec les entreprises étrangères. Car, pour nous, le Gazoduc du Sud ne peut être qu’une alliance entre entreprises publiques  » [23].
Cette conception est d’ailleurs l’aspect crucial de l’intégration et de la nouvelle carte régionale qui se dessine. Si on laissait les choses entre les mains de l’inertie des forces économiques -ladite logique des marchés qui n’est rien d’autre que la logique des transnationales -, il en résulterait une intégration qui continuera d’engendrer de la marginalisation et de la pauvreté dans tous les pays et d’aggraver les inégalités entre pays riches et pays pauvres. En fait, tout dépendra de l’attitude qu’adoptera le Brésil : si Lula est réélu au mois d’octobre prochain, des possibilités s’ouvriront pour initier un processus qui subordonnera l’économie à la politique. C’est ce qui se passe en Europe quand, pour rendre viable la construction de l’Union européenne, les pays les plus puissants, comme l’Allemagne et la France, « aident  » les pays les plus faibles de manière à niveler les asymétries le temps que ces derniers se spécialisent dans la production de bien de capital et que leurs marchés s’ouvrent aux biens de consommation et aux matières premières des autres membres. Car, il ne peut y avoir d’intégration démocratique s’il subsiste de grandes inégalités, si les plus puissants continuent à appauvrir les plus faibles.
Dans ce sens, au cours de la décennie néolibérale des années 1990, « Petrobras s’est lancée dans une course visant à s’emparer du plus grand nombre de gisements possible et à diversifier ses activités, se positionnant pour le futur  » [24]. Si l’intégration énergétique peut devenir le moteur de la redéfinition de la carte régionale, elle ne peut toutefois s’inscrire dans la logique de marché qui fait fi de la souveraineté des peuples. C’est pourquoi les grandes nations du continent sont les principales responsables du fait que le processus dépasse les strictes ambitions nationales. Jusqu’à présent, le Brésil a cherché à s’appuyer sur le Mercosur et l’Amérique du Sud pour trouver la force d’agir comme un global player. Cette ambition est compréhensible, et même bénéfique dans la mesure où cela renforce les tendances vers le multilatéralisme, mais elle est limitée étant donné qu’elle engendre des contradictions au sein d’une région qui se sent utilisée et non respectée, comme le montrent les tensions avec plusieurs pays voisins.
Au cours des mois à venir, la nouvelle carte régionale se précisera en fonction du résultat des élections qui auront lieu au Pérou et en Equateur, mais aussi au Nicaragua et au Mexique. Freiner la ZLEA a été un véritable exploit obtenu à part égale par les gouvernements et par les mouvements sociaux. Toutefois, cela n’a pas été suffisant. Pour contrer l’avancée des traités de libre-échange, il semble indispensable d’élaborer et de mettre en Å“uvre des formes d’intégration à la mesure des peuples et non pas des marchés. Peut-être que le premier test, après la nationalisation entreprise par Evo Morales, sera la direction que prendra le projet du Gazoduc du Sud. Sa construction ou non indiquera le type d’intégration qui prévaudra.
Ressources
— AEPT : Asociación de Ingenieros de Petrobras : www.aept.org.br
— Luis Bilbao “Rediseño del mapa suramericano”, Le Monde Diplomatique, Buenos Aires, mai 2006.
— Ariela Ruiz Caro, “Comunidad Andina : Réquiem para un sueño II,” www.ircamericas.org/esp/3271
— Julio Godio “Las tensiones en el Mercosur y el rediseño del mapa sudamericano”, 10 mai 2006, sur www.alainet.org
— Raquel Gutiérrez/Dunia Mokrani “Los pasos del gobierno de Evo Morales”. http://www.ircamericas.org/esp/3265
— Félix Herrero “Sed de petróleo y gas en el futuro inmediato”, Le Monde Diplomatique, Buenos Aires, avril 2006.
— Jean Pierre Leroy y Julianna Malerba (orgs.) “Petrobras : ¿Integración o explotación ?”, Rio de Janeiro, Proieto Brasil Sustentavel e Democrático, 2005.
— Carlos Lessa “Petrobrás, soberanÃa e geopolÃtica, Valor Económico, Rio de Janeiro, 10 mai 2006.
— Manifiesto “Bolivia tiene derecho a la soberanÃa sobre sus riquezas”, Brasil, 3 mai 2006.
— Huascar RodrÃguez GarcÃa “Los primeros efectos, del TLC”, 11 mai 2006, sur www.alainet.org.
— Andrés Soliz Rada, interview à Página 12, supplément Cash, 14 mai 2006.
[1] [NDLR] Le Marché commun du Cône Sud, ou Mercosur, a été créé en 1991. Il rassemble à l’origine le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. Le Venezuela a entamé son processus d’adhésion en décembre 2005. Plusieurs pays ont le statut de "pays associé" : la Bolivie et le Chili, depuis 1996 ; le Pérou, depuis 2003 ; la Colombie et l’Equateur, depuis 2004.
Consultez les articles sur le « Mercosur » sur le RISAL.
[2] Página 12, 12 mai 2006.
[3] [NDLR] à rea de Libre Comercio de las Américas - ALCA ; Free Trade Area of the Americas - FTAA ; Zone de libre-échange des Amériques - ZLEA.
Consultez nos articles sur la « Zone de libre-échange des Amériques et les traités de libre-échange  » .
[4] [NDLR] En avril dernier, le Venezuela a décidé de quitter la CAN parce qu’il considère comme incompatible l’appartenance à l’alliance andine avec le fait de signer de traités de libre-échange avec les Etats-Unis, comme l’ont fait la Colombie (27 février) et le Pérou (12 avril). La Bolivie a exprimé également des critiques contre la signature de ces traités.
[5] [NDLR] Sorte de fusion élargie du Mercosur et du pacte andin, la CSN, lancée à Cuzco en décembre 2004, comprend l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Venezuela, la Colombie, le Pérou, l’Equateur, le Surinam, l’Uruguay, la Guyana, le Chili et le Paraguay.
Consultez notre dossier sur la Communauté sud-américaine des nations : www.risal.collectifs.net/mot.php3 ?i....
[6] [NDLR] A ce sujet, consultez le dossier « L’ALCA en panne » sur le RISAL.
[7] [NDLR] Cet article a été rédigé avant la victoire d’Alan Garcia au second tour des élections présidentielles le 4 juin dernier. Le nouveau président est favorable au traité de libre-échange et le parlement a finalement ratifié le traité.
[8] [NDLR] Sur le conflit entre l’Argentine et l’Uruguay, consultez notre dossier « la guerre du papier  ».
[9] Julio Godio “Las tensiones en el Mercosur y el rediseño del mapa sudamericano”, 10 mai 2006, sur www.alainet.org.
[10] [NDLR] Consultez le dossier « L’énigmatique Ollanta Humala  » sur le RISAL.
[11] [NDLR] Sur Petrobras et ses agissements en Bolivie, lisez Raúl Zibechi, Sous-impérialisme.br, RISAL, 28 juin 2006 ; Raúl Zibechi, Le Brésil et le difficile chemin vers le multilatéralisme, RISAL, 5 mai 2006 ; Igor Ojeda, L’hégémonie et le jeu sale de Petrobrás en Amérique latine, RISAL, 5 mai 2006.
[12] Félix Herrero, “Sed de petróleo y gas en el futuro inmediato”, Le Monde Diplomatique, Buenos Aires, avril 2006.
[13] D’après un récent rapport paru dans O Globo, le capital actionnaire de Petrobras se décompose comme suit : actions ordinaires (uniques avec droit de vote) : gouvernement fédéral 55,7%, Banque nationale de développement économique et social (BNDES), 1,9%, étrangers 30,3%, FGTS (un fond de travail social) 4,6%, autres 5,5%. Capital total (somme des actions avec et sans droit de vote) : gouvernement fédéral 32 ,2%, BNDES 7,6%, étrangers 39 ;8%, FGTS 2,7%, autres 17,7%.
[14] Carlos Lessa, “Petrobrás, soberanÃa e geopolÃtica, Valor Económico, Rio de Janeiro, 10 mai 2006.
[15] O Estado de Sao Paulo, 6 mai 2006.
[16] La Jornada, 10 mai 2006
[17] Julio Godio, op. cit.
[18] La Nación, 11 mai 2006.
[19] Folha de Sao Paulo, 12 mai 2006.
[20] Huascar RodrÃguez GarcÃa “Los primeros efectos, del TLC”, 11 mai 2006, sur www.alainet.org.
[21] Idem.
[22] [NDLR] Consultez le dossier « Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA)  » sur le RISAL.
[23] Andrés Soliz Rada, interview à Página 12, supplément Cash, 14 mai 2006
[24] Jean Pierre Leroy & Julianna Malerba (orgs.) “Petrobras : ¿Integración o explotación ?”, Rio de Janeiro, Proieto Brasil Sustentavel e Democrático, 2005, p. 15.
Source : IRC Programa de los Americas (http://americas.irc-online.org/), 19 mai 2006.
Traduction : Arnaud Bréart, pour le RISAL (www.risal.collectifs.net/).