La destruction progressive de l’environnement à cause du développement technologique, commercial et industriel que connaît actuellement la planète, a conduit à une diminution significative des réserves aquifères au niveau mondial, ainsi qu’à la pollution d’océans, de mers et de rivières. L’eau a cessé d’être un bien social pour devenir un bien commercial avec un prix déterminé, et vendu au plus offrant.
C’est en 1995 qu’a commencé la discussion à propos de la privatisation des services d’eau potable et d’assainissement au Honduras, à la suite d’une proposition émanant de la Banque Interaméricaine de Développement (BID). Cette proposition suggérait la décentralisation et la création d’une loi-cadre sur le service d’eau potable, et a défini le modèle hondurien de privatisation.
En 2000, le Fonds Monétaire International (FMI) accorda des prêts à 12 pays, dont le Honduras, avec la condition de privatiser l’eau. La Banque mondiale imposa la même condition entre 1990 et 1995 lorsqu’elle octroya 21 prêts, qui passèrent à plus de 60 entre 1996 et 2000 avec un fonds de 20 millions de dollars alloué à des projets liés à l’eau.
Depuis lors, le Honduras fait partie des pays qui ont connu des processus et des niveaux élevés de privatisation de l’eau.
Mais les processus de privatisation de l’eau n’arrivent pas seuls. Ils ont été accompagnés notamment du financement de barrages, lequel dépasse les 4 milliards de dollars par an à l’échelle mondiale, du commerce de l’eau en bouteille et du développement d’autres secteurs économiques qui consomment de grandes quantités de ce liquide, en particulier : les secteurs pétrolier, automobile, de la bière et et autres boissons réfrigérantes, minier, textile, de l’aluminium, hydroélectrique, du papier et du carton, agroindustriel, et en particulier les grandes exploitations de monoculture.
La fameuse « municipalisation  » au Honduras a laissé aux municipalités la gestion du service d’eau, le gouvernement leur donnant les moyens et l’autorisation de recourir à des entreprises privées afin qu’elles effectuent ce travail.
La « muniprivatisation  » en marche
La Loi-cadre du Secteur Eau et Assainissement a été adoptée en octobre 2003, malgré les importantes mobilisations populaires contre celle-ci. Elle instaurait les bases juridiques du processus controversé de municipalisation du service, envisagée comme une étape préalable à la privatisation du service, selon un schéma conçu par les organismes internationaux.
Cependant, seul le maire de Tegucigalpa, la capitale du Honduras où habitent plus d’un million de personnes, exprima alors son désintérêt pour le processus, arguant que sa municipalité ne disposait pas de la capacité technique et financière pour gérer le service, et qu’une fois adoptée la municipalisation, l’eau potable de la capitale serait à coup sà »r privatisée.
A travers la « municipalisation  », ce processus de privatisation est déjà en train d’être appliqué dans plusieurs villes du pays, notamment à Puerto Cortés et à San Pedro Sula dans le département de Cortés et à Catacamas dans le département d’Olancho.
Puerto Cortés. Le Service Autonome National des Aqueducs et Egouts (SANAA) a consenti à la municipalité les actifs du système d’eau potable. L’ensemble de ce processus est avalisé et financé par un prêt de la BID, l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID, United States Agency for International Development) et l’Agence Canadienne pour le Développement (ACDI).
San Pedro Sula. La deuxième ville en importance et le principal centre industriel du Honduras a privatisé son eau en 1999, lorsque la Corporation municipale a lancé un appel d’offres auprès d’entreprises internationales pour les services d’eau potable et des égouts.
En 1998, un programme de modernisation a été mis en place avec le financement du Fonds Multilatéral d’Investissements (FOMIN) et de la BID, dont l’objectif était d’affecter les services à un opérateur privé. Ce programme favorisait exclusivement la participation d’entreprises internationales, et pas d’entreprises nationales, puisque les exigences étaient impossibles à satisfaire pour un pays comme le Honduras, où les entreprises ne disposaient pas d’un capital si élevé ni d’expérience dans la gestion du service.
En 2001, le processus s’acheva et l’exploitation du service fut attribuée à l’entreprise italienne ACEA, à travers un contrat cédé par la municipalité pour une période de 30 ans, reconductible 10 ans. Cette concession du service est un exemple clair de la mauvaise gestion privée de l’eau, puisque le service ne s’est pas amélioré, la qualité de l’eau a empiré et les tarifs ont augmenté de plus de 100%.
Conséquences de la privatisation au Honduras
La privatisation introduit une nouvelle série d’exigences financières qui tendent à faire augmenter les tarifs de l’eau, excluant une partie toujours plus grande de la population, toujours la plus pauvre, celle dont on ne tire pas de bénéfices.
La tendance principale des puissances et des pays industrialisés est au contrôle et à la monopolisation des sources d’eau. Ils le justifient en arguant que la gestion publique a été incapable de satisfaire les besoins élémentaires en eau des citoyens et qu’il faut donc céder, attribuer sous forme de concessions, municipaliser, donner ou vendre les systèmes de distribution à l’entreprise privée. Avec du capital privé, le service est plus efficace.
Les habitants des zones les plus pauvres de Tegucigalpa, San Pedro Sula, Progreso et d’autres villes, paient pour l’eau qu’ils consomment : ils s’approvisionnent auprès de vendeurs d’eau en camions-citernes et en bouteilles qui ont fait de cette activité un commerce. Les vendeurs d’eau s’approvisionnent dans les réservoirs du principal opérateur du service de la ville, SANAA, qui leur vend le gallon [1] 2,5 centimes de lempira (un centime de dollar pour 7 gallons d’eau). Les vendeurs d’eau approvisionnent environ 100 quartiers pauvres qui ne disposent pas d’eau courante pour différentes raisons, notamment à cause de la difficulté d’accès du réseau à ces communautés, leurs baraques étant situées sur les flancs des collines qui bordent la capitale. Plus de 500 000 personnes, les moins favorisées, vivent ainsi, en investissant une grande partie de leurs revenus quotidiens dans l’achat d’au moins un gallon d’eau.
Résistances
Les mobilisations de résistance à la privatisation de Aguas de San Pedro Sula (Eaux de San Pedro Sula) ont été l’un des cas emblématiques de tout le processus de défense de l’eau. Mais ce n’est pas le seul, dans des dizaines de communes (La Esperanza, Intubucá, Concepción,...), il existe un mouvement contre la concession ou la privatisation de l’eau. Dans de nombreux cas, lors d’assemblées et à l’unanimité, des populations se sont mises d’accord pour interdire la privatisation ou la concession, et on a même interdit l’application de la loi sur l’eau potable.
Le Honduras subit depuis déjà près de 20 ans les ajustements structurels, la transnationalisation, la privatisation des ressources et des biens publics, la répression et l’impunité, la corruption gouvernementale, l’imposition de lois en fonction de l’intérêt des transnationales et les recettes du FMI, de la BID et de la Banque mondiale qui ont conduit à l’augmentation de la dette externe et l’accroissement de la population plongée dans la pauvreté.
Statistiques de la pauvreté :
Classement
Pauvreté (chiffres globaux)
64,5 % pauvreté nationale générale
56,3 % pauvreté population urbaine
73,8 % pauvreté population rurale
Pauvres
17,0 % chiffre national général
20,3 % chiffre population urbaine
13,3 % chiffre population rurale
Très pauvres
47,4 % chiffre national général
36,1 % chiffre population urbaine
60,5 % chiffre population rurale
Non pauvres
35,5 % chiffre national général
43,7 % chiffre population urbaine
26,2 % chiffre population rurale
Total des foyers pauvres au niveau national 1 258 299
Total des foyers pauvres en zones urbaines 630 735
Total des foyers pauvres en zones rurales 627 564
Au Honduras, 64,5% des foyers sont en situation de pauvreté (foyers pauvres et très pauvres), et 35,5% sont classés comme non pauvres. On remarque qu’en zone rurale, 73,8% des foyers sont en situation de pauvreté, dont 60,5 % sont très pauvres.
[1] [NDLR] Le gallon (symbole : gal) est une unité de volume anglo-saxonne, utilisée pour mesurer les liquides. Un gallon US équivaut à 3,785 411 784 litres.
Source : corriente[a]lterna / Espacio Alternativo (http://www.espacioalternativo.org), 25 juillet 2007.
Traduction : Anne Habozit, pour le RISAL (http://risal.collectifs.net).