Confronté à un soulèvement des coopératives et aux attaques de la droite, le président bolivien, Evo Morales, a annoncé la nationalisation des mines. Mais son gouvernement peine à imposer ses réformes.
Le 15 octobre, le président bolivien, Evo Morales, a annoncé la nationalisation de l’ensemble du secteur minier, dont les modalités seront présentées le 31 octobre. Cette décision historique est la conséquence directe de la tragédie de Huanuni (les 5 et 6 octobre), au cours de laquelle les mineurs d’une coopérative ont tenté de prendre d’assaut la mine publique du Cerro Posokoni, laissant derrière eux un sombre bilan de seize morts et 81 blessés.
Huanuni constitue la première « page noire  » du gouvernement d’Evo Morales qui, tout en devant faire face aux tensions permanentes générées par la droite, se voit peu à peu confronté à des conflits sociaux émergeant depuis « son propre camp  ». Parmi eux, le mouvement mineur coopérativiste, allié au Mouvement vers le socialisme (MAS) depuis 2005, en constant essor depuis 1985, date à laquelle la fermeture d’une grande partie des mines d’État fut le point de départ d’une série de mesures marquant la conversion de la Bolivie au néolibéralisme. Avec l’augmentation des prix des minerais, cependant, le coopérativisme se convertit progressivement en un juteux négoce, qui ne tarda pas à donner naissance à une véritable « aristocratie  » cherchant à accaparer les mines publiques en les prenant d’assaut, comme ce fut le cas les 5 et 6 octobre.
Les poids politique et démographique des coopérativistes ont suscité l’alliance avec le MAS. Cependant, leur attitude se cantonna, au gouvernement, à une posture de défense aveugle de leur secteur, contradictoire avec le projet nationaliste de Morales : ainsi, au cours de son mandat, le ministre des Mines, le coopérativiste Walter Villarroel, freina toute réactivation concrète du secteur public, et alla jusqu’à imputer la responsabilité de la crise de Huanuni aux mineurs salariés.
La rupture, dès le 6 octobre, de l’alliance avec les coopérativistes et la destitution de Villarroel ont imposé un brutal changement de cap. L’annonce de la nationalisation des mines pourrait ainsi redorer le blason du gouvernement, qui fait face au blocage du processus de nationalisation des hydrocarbures, à une Assemblée constituante qui n’avance guère dans ses travaux, ainsi qu’à la multiplication de fronts d’opposition, comme les grèves à répétition du secteur des transports qui, ces derniers jours, n’ont cessé d’alimenter des rumeurs de coup d’État.
Rumeurs qui, pour l’instant, paraissent tenir du fantasme : la droite semble toujours aussi désorganisée qu’au lendemain de sa déroute électorale de décembre 2005, tandis que les forces armées n’affichent aucun signe d’agitation particulière. En revanche, ces rumeurs sont bien le symbole d’un gouvernement dont la popularité connaît une érosion rapide, notamment en raison de la difficulté, bien réelle, à donner un caractère concret au projet nationaliste de transformation sociale qu’il entend mener, au-delà des discours.
Source : Rouge (www.lcr-rouge.org), hebdomadaire de la Ligue communiste révolutionnaire, octobre 2006.