L’autonomie des peuples indigènes a cessé d’être une revendication pour se convertir en une réalité, malgré la résistance des institutions d’Etat à la reconnaître, ce qui est une manière de la criminaliser. Des milliers de communautés ont décidé de créer leur propre gouvernement, en se basant sur des pratiques traditionnelles adaptées à notre époque. Les municipes autonomes indigènes se développent particulièrement dans l’Etat du Chiapas, cependant d’autres types d’autogouvernement voient aussi le jour dans les Etats d’Oaxaca, du Guerrero, de Sonora, de Jalisco et de Michoacán. De différentes manières, ils appliquent explicitement les Accords de San Andrés [sur les droits et la culture indigène, voir glossaire, ndlr].
L’autogestion indigène se fait dans la résistance : que cela soient les amuzgos de Suljáa, ou les municipes où travaille la police communautaire dans la Montagne de Guerrero, les centaines de municipalités oaxaqueñas régies par leurs us et coutumes ou encore les gouvernements traditionnels des yaquis, wixaritari, mayo, com’cac, purépechas, nahuas.
La création cette année du municipe autonome triqui de San Juan Copala (qui, de plus, assume une géographie propre et distincte de « l’officielle  », mais certes établie par l’histoire et la véritable démographie) est importante et significative, malgré les différences entre le Mouvement Unifié de la Lutte Triqui (MULT) identifié à un parti politique régional, et le MULT Indépendant.
La tendance des peuples indigènes à s’autogouverner est imparable. Ni la corruption systématique de type priista, du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) - qui persiste avec les Ulises Ruiz, Peña Nieto, Mario MarÃn, etc. -, ni la répression tout aussi automatique, ni la violation de leurs droits communautaires, ni la militarisation de leurs territoires n’ont réussi à l’empêcher. Parce qu’elle est nécessaire. Sans elle, la République ne sera jamais saine. Les peuples savent ce qu’ils veulent, possèdent un une sagesse et ne confondent pas servir le peuple avec la politique des servants. Ils ont des formes de légitimité que voudraient bien les gouvernements du Parti d’Action Nationale (PAN). Et ils sont disposés à apprendre.
Cette année également, les conseils de bon gouvernement zapatistes et les plus de 40 municipes autonomes rebelles ont célébré le 13e anniversaire de leur soulèvement avec une remarquable exposition orale de leurs expériences de gouvernement citoyen et collectif. Sur base du dialogue, ils ont plus cohabité que coexisté avec des groupes pro-gouvernementaux, souvent en opposition avec eux, mais pas toujours. La participation des femmes à des fonctions communautaires et gouvernementales a atteint un niveau historique pour les peuples indiens et le pays dans son ensemble.
Dans son manuel Normas de convivencia a través de acuerdos comunitarios (Normes de du vivre ensemble à travers des accords communautaires), Melitón Bautista Cruz décrit les terrains juridiques et de droit coutumier depuis l’histoire ancestrale de son peuple : « Nos ancêtres zapotèques avaient la grande intelligence de savoir comment s’organiser pour réaliser des travaux agricoles de manière collective  ». Tous participaient à l’activité économique de leurs municipes. « De nos jours, le respect de la terre mère est toujours latent  », écrit le promoteur culturel et, comme tant d’autres, serviteur de ses peuples dans la sierra Juárez.
Les manifestations culturelles de gouvernement « sont toujours très présentes au sein des peuples et des communautés indigènes et indiquent que leurs racines ne se sont pas encore desséchées et que leur identité reste ferme. Elles ont constitué les bases du ciment de la nomination de leurs autorités municipales, parce que les citoyens des villages voyaient qu’elles participaient au fhen xhin che shexhe (travail collectif) et qu’elles obéissaient aux ordres qu’elles leur donnaient, c’est-à -dire : commander en obéissant.  »
Les peuples zapotèques et mixtèques ont incorporés de manière intelligente les phénomènes corrosifs de la modernité, tel que la migration vers les Etats-Unis. Dans la cas de Tabaá, d’où est originaire Bautista Cruz, « les compatriotes absents font partie des ‘Tables Directives’ à Los Angeles, dans le district fédéral [ville de México] et dans la ville de Oaxaca  », et apportent 40% de ce que coà »te un jour de tequio (travail collectif), « soit un apport total de 700 mille pesos annuels  ».
Le chemin est encore long avant d’obtenir la reconnaissance légale, néanmoins de nombreux indigènes studieux et des milliers de villages s’appliquent déjà à dessiner leurs formes de gouvernement : effectuer du travail collectif, défendre le territoire, chercher l’équilibre de justice entre le droit collectif indigène et le droit fondé sur des lois nationales ankylosées ou tout simplement injustes.
Source : La Jornada (http://www.jornada.unam.mx), supplément Ojarasca, janvier 2007
Traduction : Laure Gréban, pour le RISAL (http://risal.collectifs.net).