Indissociable des phénomènes d’exclusion et d’inégalité - aggravés dans les villes latino-américaines par la généralisation des politiques néolibérales -, la pauvreté urbaine est une réalité multidimensionnelle qui requiert des politiques sociales complexes. L’amélioration des conditions d’existence et l’accès aux équipements urbains ne peuvent suffire. La participation et la citoyenneté jouent aussi un rôle fondamental.
Les villes du 21e siècle manifestent particulièrement bien les profondes inégalités économiques et sociales qui caractérisent nos sociétés. Le processus de mondialisation et les politiques néolibérales qui le sous-tendent ont fortement accentué les contrastes entre les groupes sociaux urbains. Alors que certains vivent dans des enclaves où dominent richesse et opulence ; que les classes moyennes ont maintenant accès à des niveaux de vie plus ou moins acceptables ; de vastes couches populaires sont obligées de vivre dans des logements de fortune sans le moindre accès à des services publics de qualité. Plus que jamais, les villes sont le miroir de nos sociétés complexes caractérisées par une forte fragmentation sociale.
Le modèle de société salariale et d’État providence a fait place à des formes généralisées de précarité et d’informalité qui dominent aujourd’hui le marché du travail urbain. À l’augmentation de la pauvreté urbaine et aux croissantes inégalités sociales s’ajoute une exclusion sociale accrue qui touche en premier lieu les classes populaires en raison de leur lieu de résidence, de leur origine ethnique, de leur âge ou de leur sexe ou encore du type d’activité économique exercée. Certains groupes en particulier cumulent les handicaps économiques et sociaux : les femmes chefs de famille, les jeunes chômeurs, les immigrants, les invalides, les populations indigènes et les personnes âgées ne bénéficiant d’aucune couverture sociale.
Dans un tel contexte, les politiques sociales en tant que formes d’action publique par lesquelles les gouvernements entendent répondre à des questions sociales complexes, font désormais figure de priorités par rapport aux autres politiques publiques. En (ré)activant des mécanismes distributifs, ce sont en effet les politiques les plus à même de contrecarrer les effets les plus dramatiques du processus d’urbanisation de la pauvreté, qui renvoie à l’augmentation constante du nombre de pauvres vivant en ville par rapport au nombre total de personnes en situation de pauvreté. L’ampleur et la gravité des problèmes aujourd’hui sont telles que l’action sociale, auparavant du seul ressort de l’État, revêt désormais un caractère public. Il s’agit en effet de rechercher les moyens d’inclure les citoyens et les organisations de la société civile dans la prise de décisions publiques. Ce que tentent notamment de réaliser certaines expériences intéressantes de démocratie directe qui n’en reconnaissent pas moins la démocratie représentative comme mode principal de gouvernement.
Notre objectif ici vise à donner une image approximative des conditions qui prévalent aujourd’hui dans les villes du 21e siècle, en éclaircissant et en définissant les particularités des concepts de pauvreté urbaine, d’inégalité et d’exclusion sociale. Nous nous attarderons ensuite sur trois composantes centrales des nouvelles politiques sociales à destination des couches urbaines les plus vulnérables : la construction et l’extension de la dimension sociale de la citoyenneté, le rôle du gouvernement local et les formes de participation citoyenne.
Pauvreté urbaine, inégalités et exclusion sociale
La pauvreté urbaine, les inégalités et l’exclusion sociale qui affectent un nombre toujours plus grand de citoyens sont des processus étroitement imbriqués. Les distinguer de manière analytique peut toutefois nous aider à comprendre ce qui les caractérise et à démêler l’écheveau compliqué des problèmes qui affectent de manière cumulative certaines catégories sociales ; problèmes auxquels les politiques sociales prétendent s’attaquer.
Urbanisation de la pauvreté
La pauvreté est un processus complexe qui affecte principalement les couches populaires. Elle se caractérise par un manque de ressources économiques, sociales, culturelles, institutionnelles et politiques et est associée en premier lieu aux conditions d’insertion professionnelle qui prévalent sur le marché du travail : manque de stabilité, travail informel, bas salaires, précarité professionnelle.
Marx et Engels sont les premiers à avoir identifié les causes principales de la pauvreté dans les sociétés capitalistes du 19e siècle. Pour eux, la pauvreté trouvait son explication dans l’accaparement par la bourgeoisie de la plus-value dégagée durant les processus de production. Le coà »t de la main-d’œuvre étant déterminé à un niveau inférieur à sa valeur réelle, le salaire permettait tout au plus au travailleur d’assurer sa « survie physique  » et celle de sa famille (Morell, 2002). C’est sur base de cette perspective, comme nous le verrons plus loin, que s’est développée la notion de marginalité en Amérique latine dans les années 1960.
C’est toutefois Rowntree qui le premier a tenté de définir, de manière pragmatique, la pauvreté sur base de ses travaux sur les conditions de vie à York au début du 20e siècle. Considérant comme pauvre toute personne incapable de subvenir à ses besoins vitaux, il a alors élaboré la notion de « pauvreté absolue  », c’est-à -dire une mesure absolue de la pauvreté calculée sur base d’un revenu minimal permettant la satisfaction des besoins biologiques (nourriture, eau, vêtements, logement, etc.), soit un minimum de ressources susceptibles d’assurer l’« efficacité physique  ».
Mais cette définition, appliquée à la réalité, pose question. En effet, la détermination et la quantification du minimum nécessaire à la survie ne permettent pas de tenir compte des variations au fil du temps du niveau de vie, des besoins propres de chaque individu pris séparément, ni même du fait que ces besoins sont différents d’une culture à l’autre ou d’une société à l’autre. Autrement dit, ce minimum vital correspond aux ressources nécessaires pour satisfaire les besoins physiques mais nie les besoins culturels et sociaux des individus dans une société donnée (Barnes, 2002).
C’est pourquoi, Townsend (1970, 2003), bien plus tard, a introduit la notion de pauvreté relative qui définit un niveau de vie généralement accepté dans une société donnée à un moment donné. Cette définition se fonde non pas sur le revenu mais sur la distribution des ressources, et met en particulier l’accent sur le fait qu’il faut aussi que les individus participent pleinement à la vie sociale selon des modèles et des trajectoires de vie, des coutumes et des activités singulières et propres à leur société. C’est ainsi qu’il est parvenu à définir un seuil de pauvreté en dessous duquel se retrouvent des personnes dont le niveau de ressources ne leur permet pas de participer pleinement à la société à laquelle elles appartiennent.
S’il critique la notion, en montrant que la pauvreté comprend toujours des éléments irréductibles tels que la faim ou l’inanition par exemple, Amartya Sen (2003) considère néanmoins que la pauvreté relative peut être utile pour cerner les situations de privation en milieu urbain, ce pour diverses raisons :
— il est moins fréquent en ville de rencontrer des situations généralisées de pauvreté absolue si l’on entend par là le manque de nourriture, d’eau, de vêtements ou des conditions de logement précaire, autrement dit, un niveau minimum de survie ;
— la ville, en tant qu’agglomération de populations et d’activités, offre un ensemble de biens et de services collectifs à l’ensemble de ses habitants, indépendamment de leur capacité d’appropriation sur les marchés (éducation, santé, loisirs, etc.) [1] ;
— la gravité de la pauvreté est moindre en ville ; ses manifestations et ses traits caractéristiques la distinguent de la pauvreté rurale. Aussi pour évaluer le déficit d’accès aux biens et services dans les zones d’habitat des couches populaires, et élaborer des politiques sociales appropriées, on doit d’abord et avant tout prendre comme point de comparaison principal les standards de vie moyen, les coutumes et les habitudes sociales et culturelles qui prévalent dans des espaces urbains déterminés ;
— actuellement, la forte croissance urbaine et l’augmentation des inégalités sociales et spatiales dans les villes indiquent qu’une rupture s’est produite en termes de condition de vie entre groupes sociaux urbains différents : les distances sociales se sont amplifiées entre la majorité soumise à des niveaux de vie minimaux et une petite élite issue des classes supérieures et vivant dans l’opulence. Les villes actuelles sont ainsi plus que jamais divisées, fragmentées et segmentées (Ziccardi, 1998). La notion de pauvreté relative peut ici encore s’avérer utile lorsque l’on cherche à évaluer les écarts entre monde rural et monde urbain ou au sein même des villes.
— Ces préoccupations conceptuelles ont très vite fait place à la volonté de mesurer l’ampleur et la gravité de la pauvreté urbaine, lesquelles sont d’une importance cruciale pour évaluer l’étendue des problèmes, de même que le type et la quantité de ressources nécessaires aux politiques et programmes sociaux pour les combattre. Nul doute cependant que c’est surtout l’élaboration conceptuelle qui permet de définir le contenu de ces politiques publiques. En Amérique latine, on a observé ces vingt dernières années une croissance spectaculaire de la pauvreté urbaine. D’après la Cepal (2004), sur un total de 221 millions de pauvres, 66% vivraient en ville. Ces chiffres montrent clairement que l’on assiste bel et bien à un processus d’urbanisation de la pauvreté (Graphique 1).
Au Mexique, le « Comité technique de mesure de la pauvreté  » a tenté d’évaluer l’ampleur de la pauvreté urbaine selon trois critères : alimentaire, capacitaire et patrimoniale. Et de relever sur cette base en 2004, que 26,4 millions de Mexicains citadins se trouvaient en situation de « pauvreté patrimoniale  » ; 11,4 millions en situation de « pauvreté capacitaire  » et 7 millions en situation de « pauvreté alimentaire  » (Tableau 1). C’est dire que la pauvreté urbaine au Mexique est avant tout patrimoniale.
De fait, la ville est une agglomération de personnes, d’activités, de biens et de services collectifs. Sur le territoire urbain, les individus ont davantage de possibilités de pouvoir exercer – même de façon informelle et précaire – une activité rémunérée qui permet de couvrir et leurs besoins alimentaires et ceux de leur famille. Dans le même temps, les citadins ont des possibilités accrues d’accès à toute une série d’avantages : soins de santé, éducation, culture ou loisirs. Toutefois, pour pouvoir réellement accéder au logement et aux services de base (par exemple, fourniture d’eau, collecte de déchet et équipement sanitaire), les couches populaires doivent généralement accepter de vivre dans des périphéries pauvres surpeuplées, dans des logements de fortune sans sécurité juridique quant à la propriété du terrain ; sur des espaces où prévaut déficit ou mauvaise qualité des services publics.
Le fait que la pauvreté soit avant tout patrimoniale explique que les programmes de lutte contre la pauvreté urbaine sont obligés de consacrer une bonne part des ressources à la création d’infrastructures de base (eau et assainissement) et d’équipements communautaires (centres de santé, centres pour l’enfance, clubs sportifs et espaces culturels), de même qu’à la création ou à l’amélioration de logements sociaux. Autrement dit, ce type d’intervention sociale de la part de l’État doit d’abord tenir compte du fait que la principale composante de la pauvreté en milieu urbain est patrimoniale et que les politiques et programmes censés y remédier doivent être conçus et mis en œuvre de façon originale et différente par rapport au monde rural. [2]
Dimensions de l’inégalité
En 2005, l’ONU affirmait que l’inégalité était devenue le principal problème auquel le monde se trouvait désormais confronté. En dépit de la forte croissance économique rencontrée dans de nombreuses régions, les inégalités sont en effet plus grandes dans le monde qu’il y a dix ans. La mondialisation a largement contribué à accroître les inégalités entre pays, tout en ayant des répercussions très négatives sur l’emploi, la sécurité du travail et les salaires. Partout, les inégalités économiques, sociales et spatiales se sont accentuées parallèlement au renforcement cette dernière décennie des politiques économiques néolibérales.
L’inégalité se manifeste surtout à travers les fortes disparités économiques et sociales qui existent entre villes et campagnes, régions riches et pauvres, l’opulence des uns et la misère dans laquelle vit la majorité. Elle se caractérise notamment par l’inégal accès à l’emploi, aux biens et aux services que traduisent différentes conditions de travail et d’existence entre les groupes sociaux. Certaines populations sont tout particulièrement affectées : indigènes, handicapés, femmes chefs de ménages, personnes âgées ne bénéficiant d’aucune aide sociale, enfin, une majorité de jeunes issus des classes populaires qui, ne disposant pas d’un niveau d’éducation et de qualification suffisant, se trouvent contraints d’entrer sur le marché du travail informel et d’accepter de faibles rémunérations, tout en étant exclus du système de protection sociale.
L’ampleur du phénomène est telle que dans les pays industrialisés on a parlé de l’émergence d’un nouvel âge des inégalités (Fitoussi et Rosanvallon, 1997). Dans le cas de l’Amérique latine, on a même affirmé que le continent présentait un excès d’inégalités, du fait que la plupart des pays de la région présentaient des niveaux d’inégalités bien plus élevés que ceux auxquels on aurait pu s’attendre compte tenu du niveau de développement (Londoño, 1996).
Afin d’aborder l’inégalité dans ses manifestations le plus diverses, Fitoussi et Rosanvallon ont créé, en se basant sur la réalité française, un « répertoire des inégalités  », lesquelles selon eux trouvent leur origine dans les processus socioéconomiques et institutionnels suivants :
— la disparition du modèle classique de travail salarié sous l’effet du chômage de masse n’affecte pas tous les individus en même temps, ni ne dépend des capacités individuelles, mais de la forme que prend la conjoncture ;
— les femmes ayant intégré l’économie sont non seulement obligées d’accepter des conditions de travail différentes de celles des hommes (salaire, emplois précaires, etc.), mais ont aussi proportionnellement plus de chances de connaître le chômage ;
— les inégalités géographiques apparaissent entre régions d’un même pays, voire entre zones d’une même ville, expression territoriale des inégalités sociales ;
— les prestations sociales dépendent de plus en plus des ressources du bénéficiaire potentiel ;
— les difficultés et obstacles dans l’accès au système financier ;
— des conditions de vie différenciées entre les différents groupes sociaux en matière de santé, de logement, d’équipement public et de transport.
Si l’on peut dire que les inégalités sociales ont toujours été des éléments constitutifs des sociétés et des villes latino-américaines, reste que ces inégalités se sont renforcées et ont pris de nouvelles formes au cours des dernières décennies. Dans les zones urbaines comme dans les zones rurales, les inégalités en termes de revenus, profondément enracinées, tiennent le plus souvent à de très fortes disparités liées aux différents niveaux d’éducation, à la segmentation des marchés du travail, à l’accès inégal au crédit et la terre (Cepal, 1996).
Les inégalités en Amérique latine sont principalement de nature structurelle et renvoient surtout aux écarts de revenus qui existent entre les travailleurs, lesquels tendent à se creuser en fonction des catégories professionnelles d’appartenance. Mais elles renvoient tout aussi bien aux clivages ethnicoculturels très présents dans les villes du 21e siècle. Aussi, les populations immigrées venues d’Europe centrale, d’Afrique ou d’Amérique latine, dans les villes européennes, et les populations indigènes de villes comme Lima, La Paz ou Mexico doivent surmonter des obstacles tels qu’ils rendent le plus souvent caducs les principes d’égalité et d’égalité des chances dans l’accès aux biens et services de base pourtant inscrits dans les législations nationales.
Juan Luis Londoño (1996) considère que le principal facteur qui contribue à la persistance des inégalités et à l’augmentation de la pauvreté est l’absence d’une éducation appropriée pour les nouvelles générations. Selon lui, la formation trop lente du capital humain a neutralisé les autres facteurs de croissance économique. Et d’affirmer ensuite que « le niveau d’instruction du travailleur latino-américain moyen est de deux ans inférieur à ce qu’il devrait être compte tenu du niveau de développement économique de la région  ».
Face à cette perspective qui voit l’inégal accès à l’éducation comme la principale cause des inégalités sociales, José Luis Coraggio (1998) suggère de faire de l’éducation l’une des principales politiques sociales. Selon lui, une telle politique rendrait plus équitable la distribution du capital humain (connaissances, capacités, compétences), de sorte que les individus soient mieux armés pour accéder aux emplois disponibles. Mais l’éducation est une politique sectorielle, importante certes, mais au même titre par exemple que la politique sanitaire. Elle ne peut seule contribuer à améliorer les capacités concurrentielles de l’ensemble des travailleurs face au capital. Pour ce faire, une intervention visant à renforcer les capacités et la flexibilité et des programmes d’appui aux groupes sociaux obligés de surmonter de multiples obstacles pour intégrer le marché du travail, seraient tout aussi importants. Appuyer les femmes chefs de famille nécessiterait par exemple la création de centres auxquels elles pourraient confier leurs enfants en bas âge, ce qui faciliterait leur insertion sur le marché du travail urbain.
C’est que le sexe en effet est aussi facteur d’inégalité ; à qualification égale, les femmes reçoivent généralement des salaires moindres. La ville de Mexico offre un exemple paradigmatique de la superposition des dimensions de l’inégalité liées au genre et à l’accès à l’éducation. Dans les années 1990, 73% des personnes analphabètes dans la capitale étaient des femmes et, pour 100 hommes qui n’avaient pas terminé leur éducation primaire, on comptait 120 femmes dans le même cas (Ziccardi, A, 1998).
Cela étant, dans les grandes villes du Brésil, du Mexique, du Pérou, de Colombie et d’Argentine, les inégalités les plus visibles s’expriment territorialement ; ce qui engendre de multiples conséquences sociales et sans nul doute crée les conditions propices à l’augmentation de la violence et de l’insécurité. L’inégal accès aux services et aux équipements urbains est l’un des principaux indicateurs de l’inégalité sociale qui prévaut dans nos villes.
Les villes latino-américaines, selon le niveau et le degré de développement du pays en question, se sont toujours caractérisées par d’excellentes conditions de vie pour les classes sociales à hauts revenus, des niveaux de confort acceptables pour les classes moyennes et des situations de précarité et de misère pour un majorité issue principalement des couches populaires Cette différenciation territoriale s’est très fortement accrue ces dernières années. Plus que jamais, l’espace urbain reflète la polarisation sociale qui existe dans nos sociétés, et celle-ci contribue en retour à engendrer un contexte propice au développement de l’insécurité et de la délinquance qui atteignent aujourd’hui des sommets.
Les revenus et ressources limités des familles ouvrières ne leur permettent pas d’investir dans le logement ou de s’assurer un accès plein et entier aux biens et services de base. Le phénomène bien connu d’autoconstruction de l’habitat dont les classes populaires ont par le passé été les grands protagonistes reste encore soumis à de sévères restrictions économiques et politiques. En même temps qu’ils renforcent leur contrôle sur les logements au prétexte d’éviter l’émergence d’habitats spontanés et les phénomènes d’entassement, les gouvernements ont de plus en plus souvent recours à des mesures financières à destination du capital privé pour élargir l’offre de logements. Or, ces logements sont la plupart du temps construits dans des périphéries de plus en plus éloignées, à peine urbanisées et dépourvues de services de base adéquats, ce qui a pour effet d’accroître la pression sociale sur les gouvernements locaux qui en règle général ne participent pas ou très peu aux décisions nationales.
Déjà fortement limités, les budgets des pouvoirs locaux sont presque exclusivement consacrés aux frais d’administration des quartiers existants. Ce faisant ces fonds ne permettent pas la mise en œuvre de politiques de construction d’équipements publics de base dans les nouveaux quartiers. Dans certains cas, ce type de politique est tout bonnement impossible, ces quartiers étant installés sur des terrains qui ne se prêtent pas à de telles constructions.
Tout cela n’a toutefois pas empêché certaines villes du Brésil gouvernées par le Parti des travailleurs, depuis près de deux décennies, de mettre à disposition des habitants, selon des critères d’équité et une logique de participation et de mobilisation citoyenne, une partie de leur budgets locaux pourtant très limités au regard de l’ensemble des besoins et des demandes sociales à couvrir. Les innovations introduites par le budget participatif dans la gestion démocratique des villes de Porto Alegre, Curitiba, Sao Paulo, Rio de Janeiro et bien d’autres villes brésiliennes ont connu un succès tel que cet instrument a ensuite été repris dans d’autres villes d’Amérique latine, d’Espagne, de France et d’Allemagne.
Assurément, on peut affirmer que l’un des traits qui différencient le plus les villes latino-américaines des villes européennes est le grave déficit en matière de services et d’équipements de base. Une situation bien visible dans les quartiers populaires, lesquels sont dans certains cas de véritables villes de pauvres dans la ville. En quelque sorte ce sont là des manifestations spatiales d’une citoyenneté réduite.
Si, dans certaines capitales d’Amérique latine (Buenos Aires, Montevideo, Santiago entre autres), les citadins ont de plus grandes possibilités d’accéder à des niveaux appropriés de services collectifs élémentaires en matière d’éducation, de santé et de loisirs, en revanche, pour ce qui est du logement et des équipements urbains (eau, assainissement, lumière, voirie, etc.), on note là aussi de graves carences ; et il n’est pas rare que dans certains quartiers populaires des périphéries, les transports en commun ne fonctionnent qu’à peine, soient coà »teux et entraînent une perte de temps considérable pour les ouvriers, ceux-ci gaspillant de précieuses heures entre leur domicile et leur lieu de travail.
C’est pourquoi une politique sociale urbaine qui prétend remédier à ce type de situation doit d’abord évaluer avec précision :
— l’importance et les caractéristiques propres des biens collectifs urbains de base dans chaque ville ;
— la capacité économique et les ressources humaines sur lesquelles peut compter la population pour améliorer son habitat ;
— la capacité d’organisation de la société civile ;
— les formes de relations intergouvernementales entre le niveau central et le niveau local dans la sphère sociale urbaine.
Exclusion sociale et marginalité urbaine
La notion d’exclusion sociale a été reprise récemment par la sociologie urbaine française pour ensuite être intégrée aux politiques sociales de l’Union européenne dans le but affiché d’améliorer la cohésion sociale en Europe. Actuellement, la notion d’exclusion renvoie surtout au chômage de longue durée, au manque de stabilité, à la flexibilité et à la dégradation des conditions de travail en ville, à la carence et aux déficits d’accès au logement, à l’apparition de nouvelles formes de pauvreté chez les immigrés, les femmes et les jeunes, et, enfin, plus généralement, aux processus qui caractérisent la crise de l’État providence et des systèmes de sécurité sociale (Rosanvallon, 1995).
Les dimensions ou les domaines qui exigent une opérationnalisation du concept d’exclusion sociale sont entre autres : les difficultés d’accès à l’emploi, au crédit, aux services sociaux, à la justice ou à l’éducation ; l’isolement, la ségrégation territoriale, les carences ou la mauvaise qualité des logements et des services publics dans les quartiers populaires ; la discrimination que subissent les femmes au travail et en dehors ; les discriminations politiques, institutionnelles ou ethnico-linguistiques que rencontrent certains groupes sociaux.
Autrement dit, la notion d’exclusion sociale est liée aux processus et aux pratiques de sociétés complexes ; et plus largement, elle renvoie aux « facteurs de risque social  » auxquels sont confrontés certains groupes (immigrés, paysans, femmes, indigènes, handicapés) dans un contexte caractérisé par l’affaiblissement des ciments de la société salariale et des régimes de sécurité sociale. De plus en plus, cette situation touche également l’ensemble des travailleurs au-delà de ces groupes particuliers d’exclus (Castell, 1995).
De sorte que Brugué, Gomà et Subirats (2002) considèrent que la notion d’exclusion sociale renvoie d’abord et avant tout à des facteurs structurels, même s’ils ne sont pas les seuls. Ce faisant ils étendent la perspective au-delà du monde du travail et identifient trois groupes de facteurs qui pèsent de tout leur poids sur ces processus d’exclusion :
— la fragmentation tridimensionnelle de la société : clivages ethniques, modification de la pyramide des âges et pluralité des formes de cohabitation familiale ;
— l’impact de l’économie postindustrielle sur l’emploi. Les trajectoires professionnelles classiques se transforment en un éventail très large d’itinéraires complexes à durée variable, sur fond d’une irréversible flexibilité des processus productifs dans l’économie de l’information, d’une dérégulation du travail, de l’érosion des droits des travailleurs et de l’affaiblissement des systèmes de sécurité sociale ;
— les carences de l’État providence en termes d’intégration, qui ont renforcé les clivages au sein même de la population et la nature discriminatoire de certains marchés relatifs au bien-être sur lesquels l’intervention publique ne pèse plus que très peu (p.ex. : le marché immobilier et le logement).
Pour ces auteurs, l’exclusion sociale est avant tout un phénomène structurel qui génère une nouvelle géographie de l’exclusion. Il s’agit d’un phénomène à la fois dynamique, car affectant différemment les personnes et les groupes selon leur degré de vulnérabilité aux dynamiques de marginalisation, et multidimensionnel, car ne pouvant pas se réduire à une seule cause et n’entraînant pas les mêmes désavantages.
L’apport principal de cette perspective est de montrer qu’il s’agit là d’un phénomène inséparable du « politique  » : « l’exclusion sociale ne peut se présenter comme une fatalité dans le destin d’une société, puisqu’elle peut être appréhendée à partir des valeurs, de l’action collective, de la pratique institutionnelle et des politiques publiques  ». Et d’insister sur le fait qu’à côté d’une précarisation croissante dans le domaine social et du travail, on assiste à l’affaiblissement croissant des administrations publiques, qui ne sont plus en mesure d’apporter des réponses appropriées à des demandes toujours plus hétérogènes et fragmentées. Celles-ci ne peuvent être satisfaites que par des formes de gestion qui répondent avec flexibilité à la problématique envisagée.
Cette vision née de l’observation et de l’analyse des conditions de vie et de travail de certains groupes sociaux dans les villes européennes, de par son caractère multidimensionnel, partage des points communs avec les théories de la marginalité élaborées en Amérique latine dans les années 1960. Récemment, nous avons tenté d’établir la relation conceptuelle qui existe entre la notion d’exclusion sociale et celle de marginalité, en analysant et son contenu et sa portée à partir des perspectives marxiste et fonctionnaliste (Ziccardi, 2006).
En synthèse, dans la perspective marxiste, le débat mené par José Nun et Fernando H. Cardoso s’est porté surtout sur le caractère fonctionnel ou dysfonctionnel du concept de masse marginale, sur ce qui le distinguait du traditionnel concept d’armée de réserve du prolétariat et, enfin, sur les potentialités politiques propres à ces secteurs populaires urbains majoritaires, venus du monde rural s’établir dans les quartiers populaires à la périphérie des villes latino-américaines, dans des conditions d’instabilité et de forte précarité en termes de logement et d’accès aux services.
Dans une perspective fonctionnaliste, les principaux travaux ont été réalisés par Vekemans et le Desal au Chili. Et ils sont au fondement idéologique des politiques d’assistance de la démocratie chrétienne. La marginalité ici était considérée comme une manifestation de la désintégration interne de groupes sociaux touchés par la désorganisation familiale, l’anomie et l’ignorance, lesquelles empêcheraient ces groupes de participer aux décisions collectives. Et ce défaut de participation serait l’une des causes de leur accès très limité aux biens constitutifs de la société globale. Aussi, selon cette conception, était-il nécessaire de reconnaître l’existence de ces groupes, d’améliorer leurs conditions de vie et l’offre de services pour répondre au mieux à leurs demandes. Pour sa part, le sociologue Gino Germani considérait dans son analyse consacrée à l’Argentine que le secteur marginal urbain pouvait avoir de l’importance d’un point de vue politique, sans perdre sa marginalité culturelle et économique, puisqu’il pouvait jouer un rôle pertinent d’appui politique, comme cela avait été le cas sous le régime péroniste.
La notion polémique d’exclusion sociale et celle non moins polémique de marginalité coïncident donc temporellement et indiquent toutes deux le rétrécissement de la demande de main-d’œuvre sur le marché du travail urbain des années soixante et du début des années soixante-dix, et renvoient – via les développements fonctionnalistes de la marginalité – à ces deux processus non économiques propres à la vie sociale et politique des villes : l’accumulation de situations défavorables qui affectent certains groupes sociaux et opèrent une discrimination à leur égard (Ziccardi, 2006).
Mais une question reste sans réponse : pourquoi a-t-on repris, vers le milieu des années 1990, cette notion d’exclusion sociale pour rendre compte de situation nouvelles et des conditions différentes qui prévalent sur le marché du travail, caractérisé par la flexibilité professionnelle, les pratiques de discrimination sociale dont sont victimes certains groupes sociaux (les immigrés, les femmes, les jeunes sans emploi, les seniors) et le manque de protection que connaît l’ensemble des travailleurs face à la crise des régimes de sécurité sociale.
Bien que la question de la pauvreté urbaine fasse maintenant partie des préoccupations gouvernementales et que, déjà , depuis les années cinquante, elle suscita la mise en oeuvre d’un ensemble de politiques sociales visant à faire face à cette situation de privation de biens et de services de base (santé, éducation, logement) que subit la majorité des travailleurs, la problématique de l’exclusion sociale, notamment en ce qui se rapporte à la discrimination en tant que processus social, en revanche, n’a été introduite que récemment et de façon ponctuelle dans les politiques sociales, sans doute parce que contrecarrer ces processus implique de concevoir et de mettre en œuvre des politiques complexes destinées à modifier les idées et représentations collectives qui prévalent dans une société à un moment donné.
Politiques sociales des sociétés complexes
Les politiques de lutte contre la pauvreté ne représentent qu’une forme particulière de politique sociale. Elles correspondent à un type d’action sociale menée par l’Etat en vue de sortir de leurs conditions de misère les personnes qui n’ont pas atteint le niveau élémentaire de survie (Abranches et. al., 1994). Or, on a vu que, pour combattre la pauvreté urbaine, les politiques sociales devaient non seulement inclure une composante alimentaire et capacitaire (santé, éducation, etc.) mais également une composante patrimoniale. Parmi les principales caractéristiques des politiques sociales urbaines mises en œuvre dans ce que l’on appelle les sociétés complexes, trois revêtent une importance cruciale : a) la formation et l’expansion de la dimension sociale de la citoyenneté, b) le rôle des gouvernements locaux et c) la participation des citoyens à l’action sociale de l’État.
Construction et expansion de la dimension sociale de la citoyenneté
Les trois dimensions de la citoyenneté identifiées par T.H. Marshall (1998) dans les années cinquante se sont matérialisées dans les conditions de vie offertes par les villes européennes à la plupart de leurs habitants : la « citoyenneté civile  » associée à la liberté individuelle et à ses droits propres (égalité devant la loi, liberté d’expression, de pensée, de religion), la « citoyenneté politique  » associée au principe de la démocratie libérale (droit d’élire et d’être élu au suffrage universel) et la « citoyenneté sociale  » qui se réfère aux droits à la santé, à l’éducation, au logement et à la sécurité sociale, sur lesquels s’est construit et développé l’État providence dans les pays du monde occidental, dont le but affiché au sortir de la guerre était d’établir des principes d’universalité.
Plus qu’ailleurs, c’est en ville, dans la cité, que sont nés et se sont développés tout au long de l’histoire les droits citoyens. Bien qu’on ne les associe pas directement, les mots « cité  » (ciudad) et « citoyenneté  » (ciudadanÃa) ont d’ailleurs une racine commune. Le Manifeste du Congrès européen du bien-être social indiquait en 1991 que : « La citoyenneté européenne se construit logiquement dans les villes, points de rencontre, d’innovation, de diffusion et d’intégration. L’Europe vit et s’exprime par le biais de ses villes  ».
Jordi Borja (1991) soutenait alors que « (…) miser sur la ville signifie également chercher à y intégrer ses habitants, dans le cadre des droits sociaux et politiques et des valeurs de solidarité et d’ouverture qui permettent à la ville de remplir sa vocation idéale de progrès et de tolérance envers tous. Pour toutes ces raisons, la politique sociale urbaine à l’échelle européenne est plus que jamais d’actualité  ». Le thème de la formation d’une citoyenneté commune figure au nombre des principaux objectifs de l’Union européenne, même si persistent de fortes inégalités dans l’accès aux biens et services de bases et dans les processus de mise en oeuvre des droits citoyens entre les États membres.
En Amérique latine, la situation est sensiblement différente. La construction de la citoyenneté, dans une ou plusieurs de ses dimensions, a suivi une trajectoire différente d’un pays à l’autre. Dans une poignée d’entre eux, ces objectifs ont été en partie atteints, par exemple en Argentine dans les années 1940, même s’il convient de relativiser, le niveau de vie ayant toujours été bien meilleur en ville que dans le monde rural, en particulier dans les capitales et/ou dans certaines grandes villes. Mais la crise du modèle, inachevée en Argentine, de l’État providence a remis en question la conception même de citoyenneté sous-jacente à sa constitution, la détermination des prestations sociales couvertes par les assurances et la présence des syndicats dans son administration et dans sa gestion.
Là -bas comme ailleurs, on n’a toujours pas trouvé de nouveaux modèles de bien-être à partir desquels aborder la question sociale. Ceci dit, cela ne signifie pas qu’il ne soit pas possible de reconstruire la citoyenneté, en particulier dans un cadre urbain en considérant la dimension spatiale du politique. C’est précisément ce sur quoi reposait la prophétie d’Alexis de Tocqueville (1978), selon lequel le gouvernement local est la meilleure école de démocratie. Et de supposer que le citoyen, par sa participation aux affaires locales, par l’exercice effectif de ses droits et responsabilités, se familiarise plus facilement avec les règles du jeu démocratique et cultive mieux le respect des institutions. L’exercice de la citoyenneté a ainsi plus de chances de s’épanouir dans l’environnement local que national. C’est dans le quartier, dans les cités, dans les communes qui composent la ville que les individus accèdent, selon des modalités et des conditions différentes, aux biens et services qui donnent à la citoyenneté sa dimension sociale et définissent la qualité de vie offerte par une ville donnée.
Mais la faible institutionnalisation de la participation citoyenne ou sa subordination à des formes corporatistes de représentation ont généré un excès de bureaucratisme et accentué le caractère discrétionnaire des processus de prise de décisions, lesquels sont devenus des indicateurs de la mauvaise qualité de la démocratie en Amérique latine. La création d’une forme de gouvernement étatique et corporatiste a ainsi correspondu à une « citoyenneté segmentée  » (Draibe, 1993).
Et cette « citoyenneté segmentée  » s’est exprimée plus qu’ailleurs dans les villes latino-américaines, où l’on peut encore constater : a) l’existence de groupes ayant accès aux biens urbains par le biais du marché (logement) et payant un contribution pour les services publics fournis par l’autorité locale (collecte des ordures, approvisionnement en eau potable, etc.) quand celle-ci en a les moyens ; b) à côté, des groupes de travailleurs salariés qui peu à peu ont été incorporés à l’action des institutions gouvernementales (p.ex. : les organismes de logement pour salariés) ; c) enfin, une vaste majorité vivant à la périphérie, obligée accepter des conditions précaires et de grande pauvreté, avec tous les types de carences en termes d’accès aux biens urbains les plus élémentaires que cela implique (Ziccardi, 1998).
Durant plusieurs décennies, seul l’Etat avait la responsabilité des politiques sociales, même si divers acteurs ont cherché, par des voies formelles ou informelles, à peser sur les processus de décision pour les orienter en leur faveur. Les processus de démocratisation politique et de réforme de l’État, les changements de frontière entre sphère publique et sphère privée et, surtout, les demandes croissantes de la population ont obligé les autorités à construire un nouveau cadre pour la conception et l’application des politiques sociales. À l’heure actuelle, il ne suffit pas que le gouvernement alloue des ressources en demandant le respect de critères de rationalité technique pour améliorer la qualité de vie de la citoyenneté ; il est désormais nécessaire de créer des possibilités réelles de participation citoyenne dans la sphère publique.
Comme nous l’avons vu, nos villes se caractérisent aujourd’hui par de fortes inégalités en termes d’accès aux biens et services de base. La segmentation sociale et les processus de ségrégation urbaine, attribués largement à la mise en place de modèles économiques néolibéraux, ont cependant toujours été des traits constitutifs des villes latino-américaines. On a affirmé, avec raison, que certains progrès avaient été réalisés en termes d’extension de la couverture de services, d’améliorations des infrastructures et équipements de base ou encore d’accès à des logements de qualité. Mais beaucoup reste encore à faire pour mettre en place un cadre de vie susceptible d’offrir des conditions matérielles et environnementales dignes, pour que les droits citoyens soient réellement effectifs pour tous les habitants de nos villes. Pour ce faire, la première étape consisterait à reconstruire la citoyenneté, autrement dit, faire en sorte que les habitants des villes deviennent de véritables citoyens ; des citoyens réellement investis de droits individuels, sociaux et politiques.
Rôle des gouvernements locaux
L’Etat a été obligé de revoir en profondeur son action sociale pour faire face aux effets néfastes du processus de mondialisation économique et des politiques néolibérales sur la société dans son ensemble. Auparavant compétence exclusive du gouvernement national, la responsabilité de la mise en œuvre des politiques sociales a été transférée aux autorités locales dans le cadre des processus de décentralisation. On a ainsi assisté, paradoxalement par rapport aux processus de mondialisation, à une revalorisation du rôle des gouvernements locaux dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques, et en particulier des politiques sociales (Castells, 1997 ; Castells et Borja, 1997 ; Bodemer, Coraggio et Ziccardi, 1999).
Pour l’Europe, Brugué y Gomá (1998) soutiennent que le principal défi qui incombe aux politiques sociales, initialement fondées sur le modèle de l’État providence, est aujourd’hui d’élaborer un agenda complexe pour les gouvernements locaux, qui porte sur trois types d’action :
— Des politiques de promotion économique au niveau local (emploi productif, appui aux PME, crédit aux petits producteurs) ;
— Des politiques locales de bien-être social (santé, éducation, alimentation) ;
— Des politiques urbaines et du territoire (logement, amélioration des quartiers).
En particulier des actions publiques qui impliquent de passer d’un agenda simple à un agenda complexe par une refonte intégrale des politiques sociales. Il s’agit ici d’établir de nouvelles relations entre la sphère publique locale et la société qui se fonderaient sur de nouveaux instruments de participation individuelle, communautaire et au niveau de l’entreprise.
La fonction principale des politiques sociales dans les villes européennes est de générer de l’inclusion et de la citoyenneté, bref de la cohésion sociale. Mais en Amérique latine, les municipalités restent confrontées au défi de mettre en oeuvre de nouvelles politiques sociales et socioéconomiques, c’est-à -dire des politiques qui couvrent non seulement la gestion de moyens d’existence limités mais aussi la promotion du développement humain durable au niveau local (Bodemer, Coraggio, Ziccardi, 1999).
Dans certains pays de la région, dans le cadre des processus de démocratisation politique et de renforcement de l’autonomie locale, la majorité des gouvernements municipaux cherchent encore à atteindre des objectifs extrêmement simples en matière de politiques sociales, qui se limitent à l’offre de biens et services de base, d’infrastructure urbaine et territoriale (eau, assainissement, voirie) et, dans une moindre mesure, à des actions de bien-être social communautaire, la plupart du temps sous la forme d’une politique d’assistance (à l’enfance, à la jeunesse, aux personnes âgées, aux femmes). D’autres cependant ont commencé à développer des objectifs plus complexes. Quoi qu’il en soit, il n’est pas rare que les politiques sociales menées au niveau local se bornent à des politiques de lutte contre la pauvreté. Ne disposant que de peu de moyens, ces politiques visent surtout à faire face aux demandes les plus urgentes exprimées par les couches populaires.
Gérer en même temps les trois niveaux définis plus haut est un exercice de gouvernance extrêmement complexe, tout particulièrement quand il s’agit de politiques sociales. Au Mexique, par exemple, bien loin de pratiquer un fédéralisme coopératif, le gouvernement fédéral a été un acteur important dans la modernisation de l’État, en mettant en œuvre dans les zones les plus pauvres ou les plus isolées du pays des politiques compensatoires. Mais cet étroit contrôle exercé par le gouvernement central sur les dépenses sociales a aussi fortement encouragé le clientélisme politique dans le pays, comme d’ailleurs dans les autres pays latino-américains, où l’offre de biens et services de base aux couches populaires se fait couramment encore en échange du vote. Ici l’alternance gouvernementale ne garantit pas une transformation radicale, sur le court terme, de cette composante centrale de la culture politique dont sont porteurs tant les hommes politiques et les fonctionnaires que les citoyens.
Les programmes de lutte contre l’extrême pauvreté qui existent dans presque tous les pays sont en général conçus et mis en oeuvre par les institutions fédérales et dépendent même parfois directement de la présidence elle-même. Les gouvernements locaux, en pratique, ne participent pas à la conception de ces programmes et occasionnellement seulement à leur mise en œuvre. Tandis que les autorités centrales ont l’habitude d’élaborer des agendas faits de programmes nombreux et diversifiés, l’agenda des États fédérés et des municipalités est souvent bien plus modeste et porte surtout sur la création d’infrastructure et la mise en œuvre de politiques communautaires de faible portée.
L’on peut donc dire qu’au-delà du discours normatif, les politiques ou plutôt les programmes sociaux de lutte contre la pauvreté restent en général encore extrêmement centralisés. Le principal argument évoqué pour justifier cet état de fait est que les gouvernements locaux ne disposent que de capacités financières et humaines limitées pour accomplir leurs tâches. Sans parler des relations entre les autorités gouvernementales et les autorités municipales qui ne reposent la plupart du temps pas sur des mécanismes inefficaces de coordination institutionnelle. La nouvelle géographie politique de la démocratie exige de bousculer le centralisme et de permettre aux autorités locales de disposer non seulement de davantage de ressources, de jouir d’une plus grande autonomie, mais aussi d’améliorer ses capacités dans l’exercice de la gestion locale.
En Amérique latine, plusieurs études ont montré que la grande majorité des municipalités présentaient un déficit institutionnel lié à : des mécanismes institutionnels obsolètes ; la forte dépendance en termes de revenus vis-à -vis des contributions fédérales et les limitations qui empêchent les municipalités de générer leurs ressources propres ; un personnel souvent peu qualifié, recruté avant tout pour satisfaire des demandes politiques ; des technologies de l’information peu développées ; des politiques publiques locales sectorielles peu coordonnées au niveau institutionnel ; l’absence de politiques de promotion du développement économique local même lorsque le chômage est très prégnant ; des formes de participation citoyenne subordonnées et/ou formelles qui induisent l’apathie et le désintérêt d’une grande partie de la population ; et des réponses inefficaces aux demandes des citoyens.
Ceci dit, il faut quand même admettre qu’il existe de grandes différences d’une municipalité à l’autre. Dans certains pays, des processus de réforme institutionnelle ont notamment été initiés qui visent à permettre aux municipalités d’agir selon des critères d’efficacité administrative et de démocratie politique. Il va de soi qu’il est plus que jamais nécessaire d’octroyer aux municipalités les capacités institutionnelles suffisantes pour qu’elles puissent plus activement participer à la conception et à la mise en œuvre des politiques sociales au niveau local (Urbared : www.urbared.ungs.edu.ar). De cette manière, les municipalités pourront élargir leur champ d’action et faire de leurs politiques sociales, aujourd’hui restreintes à la création de l’infrastructure sociale de base à destination des couches les plus pauvres, des politiques sociales complexes qui contribueront réellement à promouvoir le développement économique local, à améliorer la qualité de vie et à promouvoir de nouvelles formes de coexistence sociale.
Participation des citoyens aux politiques sociales au niveau local
Un consensus s’est fait jour, en ce début de 21e siècle, sur les limites et les espoirs déçus de la démocratie représentative en tant que forme de gouvernement la plus à même de garantir une meilleure qualité de vie pour l’ensemble des citoyens. La participation citoyenne en est ainsi venue à être considérée comme l’une des composantes les plus importantes du processus de démocratisation de la société et des institutions publiques, en tant que forme d’inclusion du citoyen et des organisations civiques dans le processus de décision publique. Bien entendu cette participation n’équivaut pas tout à fait à la participation politique ni ne la remplace, mais plutôt la complète et/ou l’active.
Joan Font (1991) soutient avec raison que « le catalogue d’instruments participatifs ne cesse de s’élargir et (que) leur utilisation, encore inégale et limitée, suit également une courbe clairement ascendante  ». De nombreuses expériences inédites ont vu le jour dans les années 1990 avec la démocratisation. On peut citer parmi les plus connues : le budget participatif inventé par le Parti des travailleurs (PT) dans les villes brésiliennes et repris ensuite dans d’autres villes d’Amérique latine et d’Europe ; les conseils consultatifs municipaux ; les consultations citoyennes ; les sondages et enquêtes d’opinion par voie électronique ou les audiences publiques.
En Amérique latine, d’aucuns pensent que beaucoup reste à faire en matière de construction de la citoyenneté, étant donné le manque de culture civique ; citoyenneté « imaginaire  », voire inexistante. D’autres, en revanche, parlent plutôt d’une citoyenneté fragmentée dès lors que seule une poignée d’individus jouit pleinement de ses droits civils, sociaux et politiques, alors que les autres couches sociales, celles qui précisément vivent dans les conditions les plus précaires doivent sans cesse réclamer, via leur participation à des organisations sociales et/ou civiles, la réalisation effective de ces droits.
Dans l’histoire de la région, ce sont surtout les organisations de la société civile qui ont permis d’élargir l’exercice de la citoyenneté, que ce soit en obtenant un accès à l’éducation, à la santé, au logement, aux équipements, à l’infrastructure de base ou la défense de la qualité de l’environnement ou en luttant contre la consommation de drogue chez les jeunes, pour l’éradication de la violence au sein de la famille et, plus largement, pour une société égalitaire. A côté, un énorme effort collectif de la part de la population et des gouvernements locaux, malgré leurs ressources limitées, a également été réalisé.
Les relations qui se sont construites sur plusieurs décennies entre gouvernants et gouvernés se sont souvent caractérisées par la confrontation ou par la soumission des couches populaires à des pratiques clientélistes qui politisaient l’exercice des droits fondamentaux. Dans les démocraties latino-américaines, les processus d’alternance et de pluralisme que l’on observe dans les gouvernements locaux (au niveau de l’État ou de la municipalité) n’ont généralement pas transformé en profondeur la forme ou le style de gouvernement des sociétés locales. Mais, avec l’ouverture de l’espace public que permettra la mise en œuvre de politiques sociales, de nouvelles opportunités sont apparues pour créer de nouvelles pratiques et de nouveaux comportements.
Concernant les règles de mise en œuvre des programmes sociaux, on évoque souvent la formation de capital social, la construction de la citoyenneté, l’éligibilité des droits sociaux. Dans les faits, cependant, il est clair qu’il ne s’agit pas seulement d’une question de volontarisme des autorités, mais bien d’une question liée à la conception de la participation, aux compromis politiques possibles et au renforcement permanent des capacités des fonctionnaires et de la société en termes de valeurs et de pratiques démocratiques.
Dans le cadre des programmes sociaux, les citoyens ne sont souvent considérés que comme bénéficiaires. Il est cependant largement admis qu’il existe aujourd’hui de meilleures conditions (une plus grande information et une plus grande transparence des actions gouvernementales) pour avancer sur la voie de la démocratisation de la gestion publique. Les formes et les instruments de la participation citoyenne tiennent encore souvent de l’improvisation ou ne reposent sur aucun cadre formel (Ziccardi, 2004). Ces initiatives sont en général peu inclusives, ne tiennent que rarement compte de la diversité et des particularités de la société locale ou encore ne pèsent que très peu sur les processus décisionnels. Aussi n’apparaissent-elles pas plus efficaces ni plus démocratiques.
A côté de l’émergence en quelques endroits d’initiatives fructueuses, un large consensus social existe aussi qui souligne l’importance d’intégrer la population aux processus décisionnels au niveau gouvernemental, afin d’aboutir à une meilleure cohésion sociale et de rendre plus efficaces les politiques publiques. Toutefois, au sein de l’appareil gouvernemental et indépendamment du parti politique qui le contrôle, il n’est pas rare d’observer des résistances à différents niveaux de bureaucratie face à la participation citoyenne. Ce manque de conviction quant à l’importance de mobiliser la population par le biais de l’action publique est également souvent le fait de partis politiques qui voient en celle-ci une concurrente plutôt qu’un complément à la participation politique.
Dans quelques villes de la région, des efforts ont cependant été accomplis pour améliorer les conditions de vie de l’ensemble de la population et assurer une plus grande équité dans l’accès aux biens et services de base. Ainsi, au Brésil, dans certaines municipalités gouvernées par le PT ont été mises en œuvre d’intéressantes expériences de participation citoyenne, tel le budget participatif. Il s’agit là d’un instrument original qui combine participation directe et délégation de responsabilités au personnel gouvernemental.
Son principal objectif est d’établir des priorités dans l’action publique locale via la participation directe de la population au sein de réunions et d’assemblées populaires, qui permettent grâce à une méthodologie particulière d’ordonner et de traiter les demandes de la population. Le budget municipal intègre ensuite les résultats de ces réunions. Ce budget est géré par un conseil de représentants populaires et est approuvé par la chambre des conseillers (vereadores au Brésil). Sur cette base est ensuite élaboré un plan d’investissement selon les ressources disponibles, qui lui-même est appliqué dans le cadre de l’exercice du gouvernement local. Cette expérience sociale fructueuse de participation citoyenne a été reprise, moyennant adaptation aux spécificités de chaque réalité nationale, dans d’autres villes d’Amérique latine et dans certains pays d’Europe (Jacobi, 1995 ; Fedozzi, 2001 ; Blanco et Gomá, 2002 ; Ganuza et à lvarez Sotomayor, 2003).
Pour conclure, on peut dire que pour faire face aux conditions généralisées de pauvreté, d’inégalité et d’exclusion sociale, il est plus que jamais indispensable de revoir non seulement les prémisses des politiques sociales, mais aussi leur conception, leur mise en œuvre, de même que l’évaluation des programmes sociaux. Les politiques sociales pourront ainsi devenir de véritables espaces publics dans lesquels les couches populaires trouveront un intérêt à consacrer temps et effort et à agir de façon coresponsable avec les autorités locales pour que leurs besoins soient satisfaits.
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[1] . Dans les années 1950 s’est développée autour de la thématique des biens de consommation collectifs, de leur définition et du rôle de l’État dans l’offre de ces biens, une polémique intéressante, principalement entre Manuel Castells et Jean Lojkine qui, à partir des concepts marxistes de la ville, ont débattu des particularités de ces biens collectifs et de leurs formes particulières de consommation.
[2] . Par exemple, lorsqu’on applique dans les villes mexicaines le Programa Oportunidades du gouvernement fédéral qui a été conçu originellement pour lutter contre la pauvreté en milieu rural, toute une série de problèmes surgissent, difficiles à surmonter.
Source : Article publié et traduit par la revue du Centre Tricontinental, Alternatives Sud « Explosion urbaine et mondialisation  », Vol. XIV 2007/2 : www.cetri.be.
Traduction de l’espagnol : Priscilla Caspar et Laurent Delcourt.