Ni enfer, ni paradis. Les droits humains àCuba
Article publié le 30 mai 2007

Le fait qu’OXFAM-Solidarité publie un cahier consacré aux droits humains àCuba peut surprendre. N’est-ce pas plutôt le domaine d’organisations comme Amnesty International ? En fait, la publication de ce cahier vise àrompre avec le débat classique et souvent superficiel qui entoure Cuba, sans pour autant fermer les yeux face aux problèmes réels.

La première partie de ce cahier offre une introduction au thème des droits humains. Quels sont ces droits ?
A qui sont-ils destinés ? Comment sont-ils abordés au sein des Nations unies ? Le concept des “droits
humains” couvre un très vaste domaine. Ces droits se retrouvent souvent au centre de l’actualité lorsqu’il est
question de peine de mort, de journalistes emprisonnés, d’assassinats de syndicalistes ou de disparitions
d’activistes. Mais les autres facettes de ces droits entrent rarement en ligne de compte. Quand les citoyens
ont-ils l’occasion de voir un reportage sur le problème de l’accès àl’eau potable découlant des vagues de
privatisations imposées par l’Organisation mondiale du commerce ou le Fonds monétaire international ?
De telles thématiques cadrent rarement avec l’acception que l’on se fait généralement des droits humains...

Pourtant, le “droit au développement” existe bel et bien au sein des Nations unies. La Déclaration universelle
des droits de l’homme (1948) pose comme principe de base l’indivisibilité et l’universalité de toutes les
catégories de droits humains. Cela signifie qu’une personne n’a pas seulement droit àla liberté d’expression,
mais aussi - par exemple - àdes services sociaux de base. Les Nations unies stipulent que les droits socioéconomiques
doivent être garantis par les Etats. Mais en pratique, ces droits sont soumis àla loi de l’offre et de la demande sur le marché international. L’obligation de respecter ces droits pâtit d’un retard considérable par rapport au respect de la “première génération” des droits humains, àsavoir les droits politiques individuels. Des organisations comme Oxfam-Solidarité, qui travaillent autour de thèmes comme l’alimentation, l’accès aux médicaments, àl’enseignement ou àl’eau, inscrivent aussi leur travail au coeur du débat sur les droits humains. Il est donc logique que nous nous exprimions sur ce sujet.

La deuxième partie décrit comment Cuba s’est retrouvée sous le feu des critiques internationales depuis le
milieu des années 1980. Il règne depuis une grande polarisation au sein des médias et des institutions internationales, et toutes les occasions sont bonnes pour recourir au thème des droits humains àdes fins politiques.

Paradoxe : Cuba se trouve sur la liste noire de la Commission des droits de l’homme des Nations unies alors
que les rapports des Nations unies ne le justifient pas. Au contraire même. Perez de Cuellar, Secrétaire général des Nations unies de 1982 à1991, a confirmé dans un rapport de 1991 que Cuba n’était pas responsable de violations flagrantes, massives et systématiques des droits humains. Mais ce constat n’a pas empêché que Cuba apparaisse, quelques jours plus tard, sur la “liste noire”. Est-ce un hasard si les Etats-Unis avaient déclaré, juste avant la remise du rapport, que ce dernier ne pourrait en aucun cas se révéler positif ?

La politisation du dossier cubain et le lien avec le thème des droits humains a fortement contribué àaffaiblir de
la crédibilité de la Commission des droits de l’homme des Nations unies. Lors du sommet de l’ONU de
septembre 2005, la Commission a été réformée en un Conseil, mais le projet entourant ce nouveau Conseil des
droits de l’homme a tout sauf réussi. Actuellement, les rapports de force internationaux ne sont pas àmême
d’imposer des réformes qui pourraient conduire àdavantage d’indépendance.

La troisième partie livre un aperçu des organisations judiciaires cubaines. Bien entendu, dans le cadre de ce
cahier, il nous était impossible de réaliser une étude approfondie sur les différents aspects ayant trait à
la sécurité juridique àCuba. Tout le monde reconnaît, et les Nations unies en premier lieu, que le respect des
droits socio-économiques àCuba est d’un niveau tout àfait exceptionnel.
C’est pourquoi, dans ce chapitre, nous n’approfondirons pas ce sujet, que nous considérons comme acquis par les lecteurs. Nous abordons donc dans cette partie quelques points relatifs àla première génération des droits humains : les droits politiques individuels.

La quatrième partie décrit le rôle et les pratiques des organisations de la société civile cubaine. A tous les
niveaux, le contexte national et international a une grande influence sur l’évolution, le respect ou la violation des
droits. Cette partie fait référence à“L’arène de la société civile” car c’est àune véritable une fosse aux lions que l’on a affaire dans le contexte cubain. Il suffit pour s’en rendre compte de voir les millions de dollars mis àdisposition des organisations non gouvernementales par le gouvernement des Etats-Unien, dans le seul but de saper le régime cubain de l’intérieur.

Les questions sont nombreuses. Peut-on parler d’une “société civile” àCuba ? Les organisations cubaines ne sont-elles qu’un appendice du régime ? Dans quel contexte national et international travaillent-elles ? Les ONG internationales légitiment-elles le régime cubain ? Comment réagissent les autorités cubaines face àl’existence d’une société civile ? Et quel rôle joue l’Union européenne àce niveau ?

La cinquième partie aborde un certain nombre de thèmes controversés. Très souvent, Cuba apparaît au centre de l’actualité àcause de “nouvelles violations des droits humains”. Ce chapitre se penche donc sur quelques-unes des accusations émises ces dernières années. Les thèmes de l’homosexualité, de la peine capitale, de l’accès àInternet ou du droit àla dissidence seront traités plus en profondeur. Au final, il apparaît que Cuba n’est pas un paradis, mais n’est certainement pas un enfer. Les restrictions concernant les libertés individuelles et politiques sont surtout dues àune situation internationale très tendue.

Nous concluons ce cahier avec l’interview de deux témoins privilégiés, Louis Michel et Marc Bossuyt. En tant que Commissaire européen, Louis Michel a donné forme aux relations diplomatiques européennes avec Cuba. Marc Bossuyt, pour sa part, a présidé la Commission des droits de l’homme des Nations unies et connaît donc cet organe mieux que quiconque.

Xavier Declercq
Directeur Mobilisation, Oxfam-Solidarité

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