A huit heures un quart du matin, jeudi dernier, le surinspecteur José Gregorio Vielma Mora, l’homme politique le plus estimé des Vénézuéliens, a reçu dans son bureau l’appel de Jorge RodrÃguez, la seconde autorité du pays. Durant la conversation avec son supérieur, Vielma est resté debout, la main hors de la poche. La photo saisit l’instant. « Oui, monsieur le vice-président, nous réalisons actuellement une opération contre le narcotrafic. Je vous tiendrai informé. Soyez tranquille, nous n’aurons pas une seconde de répit.  »
Le surinspecteur est né à Caracas il y a 42 ans, il a épousé l’ingénieure suisse Suzana Manzano, qui occupe un poste de cadre dans la société pétrolière nationale Petróleos de Venezuela SA (PDVSA), il est père d’une petite fille de quatre ans et d’une autre de neuf ans, capitaine d’infanterie parachutiste, passionné de chevaux et a participé à la tentative téméraire de coup d’Etat dirigée par Hugo Chávez en 1992. Il raconte « être resté deux ans, un mois, 18 jours et cinq heures en prison  ». Aujourd’hui, Vielma Mora, en tant que surintendente du Service National Intégré de l’Administration des Douanes et des Impôts (SENIAT) dispose de 8 600 fonctionnaires formés en matière de drogue, de contrebande d’armes, de piraterie et d’évasion fiscale.
Dans un pays dévoré par les scandales de corruption, où les fonctionnaires et les militaires semblent protégés par l’impunité quelle que soit la dénonciation et où très peu de gens payaient leurs impôts, les citoyens apprécient le travail de Vielma. Au cours des trois années passées à la tête de cet organisme, il est devenu le fonctionnaire le plus estimé de ses compatriotes, selon les sondages commandés tous les ans par le journal Ultimas Noticias, bien avant n’importe quel vice-président ou ministre. La revue vénézuélienne Gerente le considère comme le seul de tous les organismes publics qui figurerait parmi les cent meilleurs cadres du pays.
Le secret de tant d’efficacité ? Il y en a plusieurs. « Les gens ne sont pas idiots. On ne peut pas dire à quelqu’un de ne pas voler s’il voit qu’on vole ici. Au début, j’ai changé tous les cadres, 16 des douanes et 10 des impôts. J’en ai fini au SENIAT avec ce qu’on appelle ici le pot, la marmite. Le chef de chaque bureau de douane récoltait auprès des entreprises des commissions particulières qu’il remettait à son supérieur. Ca, c’est terminé  », raconte-t-il. Avant l’arrivée de Vielma au SENIAT, l’organisme avait fermé en neuf ans cinq entreprises pour le non-paiement de leurs impôts. Pendant les trois ans et demi de sa gestion, 65 000 fermetures ont été exécutées. Elles durent la plupart du temps entre un et cinq jours, mais il y en aussi d’un mois. « Nous avons fait entendre raison au secteur pétrolier  », affirme-t-il. Jusqu’à maintenant, il a soumis 32 multinationales à un contrôle fiscal et a même été amené à sanctionner le secrétariat de la Présidence pour ne pas avoir mis ses papiers à jour.
Certains l’ont baptisé l’incorruptible, en référence au film Les incorruptibles d’Eliot Ness. Ils ont bien essayé de « corrompre  » Vielma. Il se rappelle : « C’était en l’an 2000. J’étais alors intendant des douanes. C’était une dame. Avec une grosse somme d’argent, environ 100 000 dollars de l’époque. Elle me disait que ces postes sont transitoires, tu ne sais pas ce qui va se passer demain matin, que tout le monde fait ça, que tu seras le seul à ne pas le faire...  »
Source : Página 12 (http://www.pagina12.com.ar/), Buenos Aires, 20 mars 2007.
Traduction : Marie-José Cloiseau, pour le RISAL (http://risal.collectifs.net/).