Référendum sur la nouvelle Constitution : le « Oui  » a triomphé dans l’Ouest du pays alors que le « Non  » a recueilli la majorité dans l’Est.
Evo Morales a gagné une fois de plus son bras de fer avec l’opposition. Selon les sondages à la sortie des urnes, environ 60% ont dit « oui  » à une nouvelle Constitution qui, il y a un an, paraissait condamnée à l’échec. A l’image de ce qui s’est passé au cours de toute l’histoire bolivienne, la région andine a fait pencher la balance au niveau national, en vertu de son poids démographique, de sa « vision nationale  » et parce que le gouvernement y siège. Le mélange d’identitification ethnico-culturelle et une culture politique plus proche de l’étatisme expliquent l’adhésion sans faille de l’Ouest bolivien à Evo Morales.
Cette région fut déjà le centre du « socialisme militaire  » des années 1930, de la révolution nationale de 1952, du nationalisme militaire des années 1970 et des guerres de l’eau et du gaz dans les années 2000.
Cela dit, cette nouvelle victoire des partisans du gouvernement a un goà »t amer. Après le triomphe écrasant de Morales le 10 aoà »t 2008 [lors du référendum révocatoire], qui avait réussi à ouvrir une brèche dans la « demi-lune  » autonomiste et à laisser la droite au bord du chaos, les résultats [du référendum du 25 janvier 2009] nous montrent une Bolivie à nouveau divisée en deux. Même si les résultats préliminaires sous-estiment souvent le vote rural – largement favorable au gouvernement national –, la victoire du « Non  » dans les départements de Santa Cruz, Beni, Parija et Pando redessine une « demi-lune  » dans l’opposition.
Il est certain que les 40% qui se sont opposés [lors du référendum] à la nouvelle Constitution représente une portion minoritaire du pays. Toutefois, cette minorité nationale est majoritaire dans des régions compactes du territoire bolivien. Malgré tout, les accusations de l’opposition, qui explique les résultats en dénonçant des fraudes qu’elle ne peut prouver, démontrent son impuissance au moment mener bataille sur la scène politique nationale et la difficulté qu’elle a à comprendre la dimension du « phénomène Evo  » parmi les exclus. Au même titre que ce qui s’est produit au Venezuela – bien que dans une moindre mesure –, il est clair qu’il y a une différence entre l’appui donné au président et celui donné à un texte constitutionnel rédigé au milieu de conflits, discordes et difficultés pour aboutir à des accords.
Dans le département de Pando, on a vécu un référendum particulier. Le gouvernement d’Evo Morales y est intervenu, a arrêté le préfet de la province [1] et a nommé à sa place un chef militaire. Le « Non  » qui s’est imposé dimanche remet en question la stratégie basée sur la force utilisée par le gouvernement dans cette région amazonienne.
Toutefois, les divisions ne se font pas sentir qu’entre l’Est et l’Ouest du pays : les sondages à la sortie des urnes et les décomptes rapides révèlent une division ville-campagne. Dans la majorité des neuf capitales de province, le « Non  » s’est imposé. Là , le discours de l’opposition a fait son effet. Il a convaincu de nombreux votants « métis  » de rejeter la Constitution soumise à référendum en insistant sur le fait qu’elle instaurerait un « racisme à l’envers  ».
Par contre, dans les zones rurales, la population laissée historiquement à l’écart, a considéré que, pour la première fois dans l’histoire, elle sera intégrée comme citoyenne à part entière, à égalité avec les « créoles-métis  ». Et il ne s’agit pas seulement des habitants des zones rurales : dans des villes comme La Paz, El Alto et Oruro, la frontière entre ville et campagne est poreuse et ces villes sont en grande partie « des centres urbains avec une mentalité rurale  ».
Peut-être qu’il y a une donnée de bon augure. Plusieurs opposants ont reconnu clairement que « le ‘Oui’ a gagné et il faut appliquer la loi  ». Toutefois, personne ne croit que cela soit possible sans de nouveaux compromis.
[1] [RISAL] C’est dans la province de Pando qu’a eu lieu le tristement célèbre « Massacre d’El Porvenir  ». « Dans la nuit du 10 au 11 septembre 2008, plusieurs groupes de paysans convergeaient vers Cobija, capitale du département du Pando, au nord du pays, afin d’y tenir une assemblée générale. Le gouverneur départemental, Leopoldo Fernández, donna l’ordre de freiner l’avancée des syndicalistes vers la ville. Les premières escarmouches, vers trois heures du matin, dans la localité d’El Porvenir, à une heure de Cobija, prirent rapidement la forme d’une embuscade contre les paysans. Les employés départementaux, avec la complicité de mercenaires liés au narcotrafic local, ont tiré à vue sur une foule où se trouvaient femmes et enfants. La chasse à l’homme dura deux jours, les tueurs allant jusqu’à effectuer des battues dans les bois et tirer sur les paysans sans défense traversant le fleuve à la nage. À ce jour, on dénombre dix-huit victimes, dont quinze paysans et un enfant. Le nombre de disparus, une semaine après les faits, permet malheureusement de penser que d’autres victimes restent à découvrir. Leopoldo Fernández est aujourd’hui emprisonné à La Paz pour complicité avec des groupes terroristes. Un fait inédit pour celui qui symbolise parfaitement la vieille et intouchable classe politique bolivienne, hier liée aux dictatures militaires et aujourd’hui convertie aux vertus du néolibéralisme. (…)  ». Extrait de Hervé Do Alto, « Bras de fer avec la réaction  », Rouge, octobre 2008.
Source : ClarÃn, 26 janvier 2009.
Traduction : revue A l’encontre. Traduction révisée et adaptée par l’équipe de RISAL.info.
Crédit photo : germeister - Flickr.