L’opposition et le "castrocommunisme"
Venezuela : l’exploitation de la peur du petit bourgeois
par Guillermo García Ponce
Article publié le 13 juillet 2003

Il n’est de jour où les ennemis du président Chávez n’attribuent au gouvernement des intentions communistes. Le texte de la Constitution bolivarienne ne suffit pas, malgré la définition du pluralisme le plus large qui soit et la consécration des principes capitalistes de propriété et de relations de production. Les discours du président Chávez et de ses proches collaborateurs ne suffisent pas non plus, malgré l’inspiration exclusivement bolivarienne et nationaliste de leur pensée politique.

Et si la réalité et les idées démentent ces accusations, peu importe. C’est que si ces accusations sont persistantes et agressives, c’est précisément parce qu’elle donnent aux tendances fascistes les meilleurs bénéfices. La propagande anticommuniste est une arme de choix dans l’arsenal de l’extrême droite, qui l’a utilisée avec succès dans tous les recoins de la planète, du Chili àl’Allemagne. L’objectif en est d’exploiter les peurs de la classe moyenne et des franges les plus retardées de la population, dans le but de les manipuler politiquement àdes fins antidémocratiques.

Le fascisme a pris le pouvoir en Allemagne parce que la classe moyenne était terrorisée par une propagande qui donnait aux bolcheviques de Lénine des allures démoniaques. Les petits commerçants et propriétaires se jetèrent dans les bras du parti nazi pour « se sauver du communisme  ». Au bout du chemin, c’est la barbarie des camps de la mort qui les attendait, avec Hitler comme bourreau. La guerre civile espagnole a été déclenchée au nom de la lutte contre « les rouges  ». À la fin, il n’y avait que Franco, avec ses pelotons d’exécution et sa terreur. Quant au Chili, les craintes du petit bourgeois timoré et ignorant ont été exploitées tout autant, afin d’ouvrir les portes du pouvoir àPinochet, àses kidnappeurs, àses assassins.

Au Venezuela, il n’est pas difficile d’exploiter et de manipuler les peurs de la petite bourgeoisie. Tout d’abord parce que le passé récent de notre classe moyenne est plutôt villageois et la met àla merci de vieilles conceptions conservatrices et pusillanimes. Mais aussi parce que ces quarante dernières années, les enfants et petits-enfants d’une immigration arrivée d’Europe les valises pleines de préjugés anticommunistes se sont intégrés àla population vénézuélienne de petits propriétaires, et ont propagé leurs peurs. Cette immigration est arrivée au Venezuela avec les craintes et incertitudes nées de la fin victorieuse de la guerre contre le fascisme, mais aussi de la proximité de la puissante armée soviétique. Les familles, les foyers ainsi créés, tous sont imprégnés de la peur de la révolution.

Le « castro-communisme  » est un épouvantail de la décennie des années 70, sorti du placard pour intimider et semer la confusion. Il y a quarante ans, on le brandissait pour soumettre le pays aux intérêts des groupes économiques étasuniens et àla « Guerre froide  » anticommuniste. Une campagne bien orchestrée est d’ailleurs en cours, qui transforme la réalité cubaine et crée une vision permettant d’exploiter la peur. Et peu importe que le capitalisme sauvage a mené àla ruine l’Argentine, l’Uruguay et des dizaines de pays, ou produise la famine en Afrique, ou encore sacrifie la vie de millions d’enfants, ou élargit les profondes inégalités dans le monde. Rien de cette réalité-làn’a d’importance. La seule chose qui compte, c’est de fabriquer une image tronquée et grotesque pour insuffler la peur àla petite bourgeoisie, afin que, terrorisée, elle se jette dans les bras du fascisme.

Traduction : Gil B. Lahout, pour RISAL.

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