Campagne électorale présidentielle
Salvador : le spectre du communisme
par Eduardo Tamayo G.
Article publié le 16 mars 2004

Avec la chute du Mur de Berlin, c’est le "communisme" qui a disparu a-t-on prétendu. Mais ce n’est pas le cas des anticommunistes qui, comme au Salvador, continuent àagiter le spectre du communisme afin d’essayer de freiner le candidat du Front Farabundo Marti pour la Libération nationale (FMLN), Shafik Handal, qui a de grandes chances de triompher dans la bataille électorale présidentielle du 21 mars prochain.

Selon les sondages, les candidats favoris sont le patron de radios Elias Antonio Saca - 39 ans - du parti Alliance républicaine nationaliste (ARENA) et Shafik Handal - 73 ans -, ex-commandant guérillero et dirigeant du Parti communiste du Salvador. En réalité, ces deux candidats représentent des projets totalement distincts : le premier défend le statu quo, la poursuite d’un modèle de privatisations, autoritaire et excluant, soumis aux intérêts de Washington ; le second propose un projet d’indépendance nationale qui donne priorité àla satisfaction des besoins de la population ainsi qu’àla lutte contre la corruption.

Il convient de souligner que le FMLN, après avoir signé les accords de paix, s’est transformé en un parti politique en 1992, devenant depuis l’une des plus importantes forces politiques du pays, avec une représentation parlementaire significative (lors des élections de 2003, il a obtenu 31 sièges, dépassant ainsi l’ARENA qui en avait gagné 28) et une forte présence dans les mairies et les autorités départementales, remportant trois fois de suite la mairie de San Salvador.

Ce qui attire l’attention dans cette lutte électorale n’est pas tant son caractère indécis mais bien la basse campagne de dénigrement orchestrée par l’ARENA afin de se maintenir au gouvernement, pour la quatrième fois consécutive depuis 1989.

"Le parti au pouvoir a lancé une campagne de terreur, il y a eu des attitudes critiquables de la part du FMLN, mais nous avons pu constater les discours des partisans de l’ARENA et la violence ", déclare àALAI Miguel Montenegro, directeur de la Commission des droits de l’Homme du Salvador (CDHS). Les messages de l’ARENA sont destinés àpropager la crainte et la terreur parmi la population : "Ne votez pas pour les communistes, parce qu’avec un gouvernement communiste, les Salvadoriens vont être expulsés des Etats-Unis et ce pays ne va plus nous soutenir. De plus, avec un tel gouvernement, nous allons vivre comme àCuba, les communistes vont imposer un système où il n’y aura plus de liberté d’expression" explique Montenegro. La machine de propagande de l’ARENA utilise habilement la question des émigrés salvadoriens, une question très importante et sensible puisque les envois d’argent des plus de 1 million de Salvadoriens qui vivent aux Etats-Unis représentent la première source de revenus du pays.

Au début de la campagne électorale, le candidat de l’ARENA avait promit qu’il agirait proprement, mais il n’a pas respecté cette promesse. "Au niveau personnel, il n’a sans doute pas attaqué, ni insulté personne, mais des organisations et des individus liés àl’ARENA ont commis des actes illégaux et immoraux. D’anciens guérilleros convertis au néolibéralisme parcourent les entreprises afin de terroriser les travailleurs et leur demander de voter pour l’ARENA. Dans plusieurs ministères, on utilise les ressources publiques en faveur de la campagne de l’ARENA et l’on exige des employés qu’ils travaillent gratuitement pour cette dernière et de voter pour ce parti " signale le bulletin paroissial hebdomadaire Proceso (18.03.04) du CIDAI (Centre d’information, de documentation et d’appui àla recherche) du Salvador.

Cette campagne anti-communiste n’a rien d’original. Elle a déjàété faite au Nicaragua il y a treize ans par les secteurs anti-sandinistes, alliés aux principaux médias et secteurs conservateurs des Etats-Unis qui ont orchestré une véritable campagne de terreur psychologique. Cette campagne avait donné ses fruits puisque le candidat du Front sandiniste de Libération nationale (FSLN), Daniel Ortega, avait été battu. Dans le processus électoral salvadorien, il y a également un arbitre étranger partial qui intervient sans être invité, désiré ni voulu. Il s’agit - chose rare dans la région - du gouvernement de George W. Bush qui, au travers du sous-secrétaire aux Affaires hémisphériques, Roger Noriega, a fait déclarations afin que " les gens du Salvador élisent quelqu’un qui partage notre vision, nos valeurs et l’intérêt d’approfondir et d’améliorer les relations et l’association entre nos pays ".

Washington commence en effet àêtre préoccupé par l’instauration d’un gouvernement indépendant au Salvador qui puisse s’opposer àses projets hégémoniques et établir des alliances avec Cuba et le Venezuela surtout. Mais plus encore que Washington, les dirigeants de l’ARENA ont de nombreuses raisons d’être nerveux avec une victoire électorale du FMLN puisqu’ils craignent que ce dernier ne leur demande des comptes pour les nombreux cas de corruption qui se sont produits au cours de ces 15 dernières années de gouvernement arenien.

"L’ARENA est exsangue àcause de la corruption et de sa mauvaise administration du pays. La population veut un changement véritable axé sur le social. Les propositions du FMLN sont acceptables pour les secteurs sociaux pauvres et y compris pour la classe moyenne, mais le grand problème c’est la terreur que l’on veut imposer dans la population. Le FMLN, dans le domaine de la santé, parle de sa non-privatisation, de garantir la santé àla population, de l’éducation, du logement, du développement, de donner des incitants àla micro et àla moyenne entreprise, du respect des droits humains, de programmes qui n’ont pas été tenus en compte par le gouvernement actuelle de Francisco Flores. Il ne parle de répression contre les "maras " (les bandes de jeunes délinquants) mais bien d’insérer la jeunesse, de combattre les " maras " mais d’une façon différente de ce que fait aujourd’hui le gouvernement " conclut Montenegro.

Source : ALAI, América Latina en Movimiento,10-03-04.

Traduction : Ataulfo Riera, pour Risal.

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