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Qui est intelligent pour une chose l’est pour tout, parce que l’intelligence est l’expression individuelle de l’activité cérébrale qui se manifeste dans tous les actes de l’être humain. Mais les Vénézuéliens s’étonnent encore de la perfidie qu’impliquait de planifier le boycott pétrolier ourdi par les méritocrates intelligents de PDVSA. Il est vrai qu’ils contrôlaient l’essence même de la vie de la patrie. Et que, croyant que cette essence leur appartenait, ils ont exécuté leur plan magistral d’arrogance.
Il faudra bien accepter que d’aussi brillantes ’intelligences’ ont manigancé leur félonie jusque dans les moindres détails, par département, de manière coordonnée, en suivant une progression parfaitement synchronisée, pour que chaque jour augmente le niveau de gravité, suscitant, dans les « rangs ennemis  », tout d’abord la préoccupation, ensuite le sentiment d’insécurité, puis la peur, et enfin la panique et la terreur. Ils ont erronément pensé que la pression sur le gouvernement viendrait de la population, afin que le « tyran » abandonne le pouvoir, ayant perdu le respect et la confiance. Il avaient ainsi tracé la voie vers l’anomie, vers le « vide de pouvoir ».
Force est également de reconnaître que si Chávez n’a pas été renversé, ce ne fut pas par manque d’enthousiasme. En effet, il y eut alors des débordements de triomphalisme illusoire, auto-complaisant, qui ne visait qu’à renforcer la duperie. Comment des gens aussi intelligents, capables, imbus de leur propre savoir, ont-ils pu commettre une telle erreur de calcul ? Cela ne semble pas digne d’esprits aussi illustres et éclairés. Leur hypothèse était simple : le président ne résistera pas plus de trois jours ; une semaine au plus. Et ils mirent tous leurs œufs dans le même panier. Ce faisant, ils ont démontré qu’au lieu d’être intelligents, ils n’étaient qu’experts. C’est différent.
Leur plan ne tenait pas compte de la manipulation dont ils firent l’objet. En toute naïveté, ils s’en sont remis à des gens d’expérience que mille guerres ont formé à toutes les astuces, à tous les manèges. Des politiciens de carrière dont la profession a toujours été de défendre la duperie par les mensonges, mais surtout avec beaucoup d’enthousiasme, beaucoup d’aplomb, très sà »rs d’eux-mêmes, se cachant derrière un soi-disant « pouvoir de convocation  » qui passait en fait par des muselières diverses, par l’ignorance et par le portefeuille. Erreur de calcul des méritocrates : ils ont gobé la chimère et ont mordu à l’hameçon. Pour se gaver de toute-puissance. Ils se laissèrent aduler et crurent réellement qu’ils tenaient la patrie à leur merci.
Erreur de calcul, que de croire au sophisme de l’enlisement économique, paralysant « l’industrie privée » en même temps que le pétrole. Ils se sont trompés parce que cette industrie elle aussi vit du pétrole. En suspendant les revenus pétroliers, ils ont coupé l’oxygène à une activité économique privée qui ne peut se soutenir elle-même. C’est que dans l’économie, comme dans toute manifestation de la vie, rien n’est isolé ; tout est interaction. Et plus encore le secteur privé de notre pays, incapable de se mesurer à la concurrence du commerce international et manquant de vigueur et de compétitivité malgré les subventions aux sources d’énergie. Ils se sont pendus eux-mêmes. Ce n’était qu’une question de jours.
Ils n’ont pas pris conscience qu’on les utilisait, en fait, pour tenter de ressusciter le cadavre des vieux partis politiques, arrivés à l’extinction pour raisons de nécessité absolue. Grave erreur de calcul. Ils ont été utilisés tels des mascarons de proue pour effrayer des fantômes qui n’en étaient pas.
C’est encore pire s’ils ont calculé la tragédie. L’erreur de calcul leur aurait été plus bénigne. Si jamais ils ont sciemment prévu l’ampleur des conséquences du délit qu’ils commettaient, alors non seulement ils se sont mis volontairement en marge de la loi ; ils risquent aussi de porter le poids de la récrimination sociale pour le reste de l’histoire de la patrie. Les explications ne suffiront pas, ni les subterfuges, les faux-fuyants ou les alibis. Il est tout simplement impardonnable qu’ils aient commis leur méfait en toute conscience.
Les méritocrates ont oublié que la responsabilité de l’Homme ne réside pas uniquement en ses actes, mais aussi en ses omissions. Et lorsque l’omission devient un acte volontaire, elle prend des connotations tout aussi répréhensibles que celle d’un délit commis. Parce qu’elle implique la possibilité consciente, certaine et spécifique d’avoir pu éviter la catastrophe. À l’heure de rendre des comptes, aucune échappatoire n’est possible.
Les vies perdues, en conséquence directe et indirecte des actes cruels des méritocrates, la catastrophe financière de la patrie et toutes ses répercussions sont les effets immédiats de maladresse arrogante et calculée des experts pétroliers. La seule comparaison possible est celle d’une attaque armée à un peuple sans défense qui assiste, incrédule, à sa perte.
Et cette attaque a lieu alors que de louables efforts sont déployés pour nous sortir de notre pauvreté proverbiale et ouvrir de nouveaux chemins ; alors qu’une chance est donnée aux espoirs de la majorité des Vénézuéliens privés jusque des moyens les plus essentiels de l’existence. Les méritocrates prétendaient tronquer ces espoirs.
Erreur de calcul ou calcul de l’erreur. Peu importe, ils doivent se soumettre à la justice. Jamais plus la société vénézuélienne ne pourra confier, à ces esprits et à ces mains, la responsabilité de diriger la richesse de la patrie.
Ils doivent maintenant assumer leur responsabilité. On ne peut accepter cette manipulation sentimentale qui prétend en faire des victimes persécutées par le « régime ». Ils ne peuvent changer leur masque de bourreaux, car hier encore, gonflés de pouvoir, ils prétendaient jouer les maîtres absolus du pétrole de la patrie.
Source : APORREA, 12 mars 2003.
Traduction de l’espagnol : Gil B.Lahout, pour RISAL.