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Le président a appuyé sur l’accélérateur des changements. Il pense créer un « Pouvoir populaire  », fonder des « villes communales  » qui s’autogouvernent et réorganiser le pouvoir territorial. Voici les nouvelles réformes.
Il y a quelques semaines, l’annonce faite par Hugo Chavez de la nationalisation d’entreprises de pétrole, de télécommunications et d’électricité a secoué le continent. Toutefois, ces changements sont minimes par rapport à l’ensemble des transformations que Chavez envisage pour le futur du Venezuela. De la réforme constitutionnelle pour inclure la nationalisation du gaz et la réélection indéfinie aux expériences inédites comme la création de « villes communales  » qui s’autogouvernent, les transformations sont nombreuses et on en sait peu sur elles.
Pour connaître les détails du plan, [le quotidien argentin] ClarÃn s’est entretenu avec le constitutionnaliste et député chaviste Carlos Escarrá, qui est à la tête de l’équipe qui dessine ces changements. Voici quelques-uns des axes principaux sur lesquels se basera ledit socialisme vénézuélien.
— Plus de pouvoir pour les conseils communaux. Depuis avril 2006, des essais sont en cours, où des groupes de 200 à 400 familles décident, en assemblée, quels sont leurs besoins en tant que communauté : construire des égouts, approvisionner un hôpital ou n’importe quoi d’autre. Le gouvernement a remet directement les ressources à l’assemblée au travers d’une « banque communale  », sans passer par les maires. Pour cette nouvelle étape - a affirmé Escarrá à ClarÃn - l’objectif sera d’augmenter l’autogouvernement du peuple. Il y aura plus de transferts de pouvoir, de ressources et de capacité d’administration directement pour ces conseils communaux.
Le plan s’appelle « Explosion révolutionnaire du Pouvoir communal  » et on s’attend à ce que ces conseils se rassemblent avec le temps en associations et puis en fédérations. A moyen terme, disparaîtront les maires, les conseils municipaux et les conseils paroissiaux, « des figures qui furent importées en Espagne par l’invasion mozarabe et ensuite introduites en Amérique latine avec la conquête espagnole  », a expliqué Escarrá. « Peut-être qu’à un beaucoup plus long terme, la figure des gouverneurs [d’Etat] disparaîtra aussi  ».
De l’extérieur du gouvernement, on voit les limites de cette idée. « Les conseils communaux - a commenté à ClarÃn le sociologue Edgardo Lander à Caracas - sont positifs car on y discute des problèmes de la communauté, il y a débat politique et les gens s’impliquent dans la vie de leur quartier. Mais ils ont des côtés négatifs : leur zone d’incidence est très limitée et, surtout, en dépendant des ressources de l’Etat, une relation verticale clientéliste peut s’établir.  »
— La nouvelle Géométrie du pouvoir. Il s’agit d’une réorganisation du pouvoir territorial dont il n’y a aucun précédent dans le monde. Le Venezuela abandonnerait la conception classique de la république divisée en provinces (Etats) et municipalités. D’autres concepts de l’espace seraient adoptés en créant de nouvelles villes communautaires ou en transformant certaines déjà existantes.
Il est difficile d’imaginer comment une telle expérience sera mise en marche. « Il y aura des expériences pilotes - explique l’assesseur chaviste. Nous allons construire une autoroute le long de la ceinture de l’Orénoque [principal fleuve du pays, ndlr] et on va créer alternativement des villes communautaires et des centres industriels qui seront considérés comme des territoires fédéraux  ». Une autre expérience sera tentée dans les llanos (plaines) vénézuéliens « où il y a des municipes aux urbanisations très petites sur une extension énorme et qui n’ont pas la capacité de s’auto-approvisionner et de s’auto-administrer. L’idée est d’y renforcer le pouvoir communal  ».
Ces villes autonomes s’autogouverneront. Le ministère de l’Economie populaire transfère les ressources aux banques communales qui s’organisent en coopératives. Ces banques emploient l’argent en accord avec ce qui a été décidé à l’avance par l’assemblée de citoyens. C’est ainsi que cela fonctionne actuellement.
Combien de temps sera-t-il nécessaire pour faire des changements aussi profonds, en partant du principe que, du fait qu’ils soient inédits, ils seront basés sur la dynamique de l’essai et de l’erreur ?
« La réforme constitutionnelle sera mise en oeuvre en 2007. Mais il est impossible que tous les changements se fassent cette année  », a déclaré Escarrá.
— Réforme des pouvoirs de l’État. Un autre plan ambitieux de Chavez. Au Venezuela, il y a actuellement cinq pouvoirs : l’exécutif, le législatif, le judicaire, le citoyen et l’électoral. Le chavisme pense réformer les pouvoirs déjà existant et en créer un sixième : le Pouvoir populaire. En quoi cela consiste-t-il ? On ne le sait pas. « Comment il s’organisera et comment il fonctionnera, c’est précisément le travail de réflexion que nous menons actuellement  », répond Escarrá.
Ce qui a déjà avancé, par contre, c’est la réforme intégrale du Pouvoir judiciaire « qui a assuré jusqu’à présent l’impunité de délits comme la corruption  ». Le gouvernement reconnaît au moins deux points non résolus : l’accès limité des Vénézueliens à la Justice et « les cas grossiers de corruption, de bureaucratie qui freinent les actions de l’État et dont la conséquence est que les biens et services n’arrivent pas à la communauté comme cela devrait être le cas  ».
Pour cela, le chapitre intitulé « Morale et lumières  » (qui traite des facteurs éthiques et culturels), plusieurs mesures sont envisagées. « Nous allons dessiner des modèles pour mesurer l’efficacité et, surtout, pour punir durement les cas de corruption et tout ce qui en définitive pollue l’action de l’État  ».
— L’axe économique. Le plan vise à établir une « économie sociale, humaniste, solidaire, en renforçant les coopératives d’entreprises de production sociale, de micro entreprises et d’autogestion  ». Ils essayeront d’en finir avec le Venezuela rentier et de diversifier la production pour donner une base plus solide à l’économie vénézuélienne.
Sur les nationalisations, il y aura plus de surprises encore. En parlant de la réforme constitutionnelle - le premier grand changement qui permettra les transformations mentionnées -, Carlos Escarrá laisse filtrer : « Quand on a régulé le pétrole dans la Constitution de 1999, on n’a pas inclus le gaz. Avec la prochaine réforme, on inclura dans les réserves de l’État les hydrocrabures solides, liquides et gazeux. Il y aura une révision intégrale de la Constitution  », ce qui risque de provoquer à l’avenir des étincelles avec l’entreprise brésilienne Petrobras.
Finalement, le changement le plus préoccupant est la réélection indéfinie. « C’est une grave erreur  », affirme le sociologue Lander. « La richesse que ce qui se passe aujourd’hui au Venezuela ne peut dépendre d’une seule personne. Il faut toujours des leaderships alternatifs, une relève et surtout, ce qu’il manque, un plus grand débat  ».
— 1er moteur : la loi hablitante, voie directe au socialisme.
— 2e moteur : la réforme constitutionnelle : état de droit socialiste.
— 3e moteur : morale et lumières, éducation basée sur des valeurs socialistes.
— 4e moteur : la nouvelle géométrie du pouvoir, la réorganisation socialiste de la nouvelle géopolitique de la nation.
— 5e moteur : explosion du pouvoir communal, démocratie "protagonique", révolutionnaire et socialiste.
Source : ClarÃn (http://www.clarin.com/), Buenos Aires, 14 janvier 2007.
Traduction : Frédéric Lévêque, pour le RISAL (http://risal.collectifs.net/).