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Reconstruire un appareil d’État réduit à peau de chagrin après vingt ans de politiques d’ajustement structurel, tout en faisant face aux compagnies transnationales et aux pressions corporatistes : voilà l’objectif premier d’Evo Morales.
La difficulté de la tâche du gouvernement Morales est apparue plus évidente que jamais ces derniers jours, avec la signature de nouveaux contrats régissant les conditions du partenariat entre l’État et les compagnies pétrolières concernant l’exploitation des réserves de gaz et de pétrole que possède la Bolivie. Au Palacio de Comunicaciones, situé dans le centre de La Paz, où fut conclue dix ans plus tôt la « capitalisation  » (privatisation) de la compagnie d’État Gisements pétrolifères publics de Bolivie (YPFB), Morales et son équipe, les 27 et 28 octobre, ont fait un nouveau pas en avant dans le « processus  » de nationalisation des hydrocarbures entamé le 1er mai 2006. La dite « migration  » des contrats qui, à ce jour, n’ont toujours pas été rendus publics, n’était effectivement pas une mince affaire, tant la pression des compagnies étrangères et, en particulier, celle de la Brésilienne Petrobras risquaient de repousser les négociations au-delà de la date limite du 28 octobre, menaçant de la sorte la crédibilité d’un gouvernement déjà secoué par la tragédie de Huanuni [1].
Pourtant, en dépit des célébrations conjointes de Morales comme des compagnies pétrolières, il est bien difficile de savoir, aujourd’hui, qui est vraiment sorti gagnant de ces négociations. Les premières révélations laissent entendre que la part de revenus de l’État sera ramenée à un taux fixe de 50% - au lieu des 82% prévus par le décret du 1er mai -, les 50% restants donnant lieu à une redistribution évolutive entre État et compagnies dépendant directement de l’activité d’exploration de ces dernières. Autrement dit, si une compagnie réalise des travaux de prospection, elle bénéficiera d’une compensation fiscale, sur une durée de deux ans à partir du début de la dite prospection, pouvant atteindre le plafond de 50 % au titre de retour sur investissements et d’amortissements.
La mesure a été très positivement accueillie par l’ensemble de la société bolivienne, des organisations sociales populaires à une opposition saluant l’action d’un gouvernement « qui a osé faire ce que nous-mêmes n’avons pas été capables de faire par le passé : rendre sa dignité au peuple bolivien  », dixit le sénateur de Podemos (droite), Walter Guiteras. Les revenus pour l’État bolivien passeront de 250 millions de dollars à plus de 4 000 millions annuels d’ici quatre ans, selon le ministre des Hydrocarbures, Carlos Villegas. De quoi envisager, à court terme, le financement de mesures sociales temporairement suspendues aujourd’hui, telle qu’une hausse significative du salaire minimum.
Cependant, la « migration  » des contrats est dénoncée par quelques voix discordantes au sein de la gauche radicale, notamment en ce qu’elle tourne la page sur plus de dix ans d’exploitation juridiquement illégale du gaz bolivien par ces compagnies (les contrats signés à cette époque n’avaient jamais été validés par le Congrès, comme l’exige pourtant la Constitution). Toutes fondées soient-elles, ces critiques omettent toutefois de prendre en compte la dépendance d’un État dont la compagnie, YPFB, a vu sa « refondation  » repoussée à mars 2007, faute de fonds suffisants. Cette faiblesse structurelle de l’État, qui est également à l’origine du report pour 2007 de l’annonce d’un plan de nationalisation des mines - initialement prévue pour le 31 octobre dernier - conditionne, pour le moment, les rapports de force entre le gouvernement et ses « interlocuteurs  », des compagnies transnationales aux mineurs coopérativistes, imposant de la sorte un horizon d’action concret limitant les perspectives immédiates du projet nationaliste, étatiste et populaire d’Evo Morales.
De La Paz, Hervé Do Alto
[1] [NDLR] Lire à ce propos dans la rubrique « Bolivie  » du RISAL, Pablo Stefanoni, Voyage à Huanuni, le cÅ“ur minier de la Bolivie, RISAL, 27 octobre 2006 ; Luis A. Gomez, Huanuni et le « métal du diable  », RISAL, 27 octobre 2006.
Source : Rouge, hebdomadaire de la Ligue communiste Révolutionnaire (www.lcr-rouge.org), France, novembre 2006.
Capitalisation
Pour parler de la privatisation des services publics en Bolivie, on utilise le terme de « capitalisation  ». De quoi s’agit-il ? Selon le Fonds Monétaire International (FMI), « la capitalisation était un modèle de privatisation conçu pour garantir un niveau minimal d’investissement étranger plutôt que pour maximiser des revenus de privatisation  ». Ce processus consistait à transformer l’entreprise publique en sociétés par actions, dont au moins la moitié étaient acquises par le capital international et le reste étant attribués aux « citoyens boliviens  », notamment à travers des fonds de pension. Une fois capitalisées, les anciennes entreprises publiques établissaient des joint ventures avec des transnationales qui devaient s’engager à y investir l’équivalent de la valeur des actions. Donc, la capitalisation a consisté non pas à vendre mais à donner le contrôle d’entreprises publiques au capital international en échange de rien, à l’exception d’argent frais.
Poder democrático y social
Podemos (Poder democrático y social, Pouvoir démocratique et social) est un parti de droite bolivien créé en 2005 pour contrer l’irrésistible ascension du Mouvement vers le Socialisme (MAS) et d’Evo Morales (...)
Yacimientos PetrolÃferos Fiscales Bolivianos / YPFB
Yacimientos PetrolÃferos Fiscales Bolivianos, entreprise publique bolivienne des hydrocarbures.