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Comment voir l’âme de quelqu’un sur son visage ? Si cette histoire avait lieu à Vérone, au nord de l’Italie, la réponse serait facile, car c’est en la ville de Roméo et Juliette que le docteur Cesare Lombroso créa ce qu’il baptisa « la criminologie positiviste  ». Lombroso croyait en effet à des choses telles que le visage de l’assassin, le front du voleur, le menton de l’escroc. C’est l’âme, pensait-il, qui détermine le visage. Et chacun d’entre nous a donc le visage qu’il mérite. Mais cette histoire se déroule dans le Sud. Pire, elle a lieu au sud du Sud, en Patagonie, où la terre s’étend à perte de vue, où l’horizon n’en finit pas, où les vents soufflent parfois si fort qu’ils en arrivent à gommer le passé.
C’est l’histoire d’un président argentin au nom d’un peintre allemand. C’est un homme trop grand, mais ventru, sans attrait, atteint de strabisme et qui zézaie. Obsessif et solitaire, sa soif de pouvoir est permanente. Et si personne n’ose dire au roi qu’il est nu, une antienne a toutefois été composée en honneur à son œil strabique. José Pablo Feinmann (scénariste, essayiste et intellectuel lucide à ses heures) expliqua un jour ce court-circuit dans le regard présidentiel : « Kirchner voit ‘l’ensemble’ d’un œil et ‘le côté’ de l’autre. Pour les politiciens, ‘l’ensemble’ est l’appareil de l’État, qu’ils confondent souvent avec le pouvoir. Mais aucun, si ce n’est Kirchner, ne regarde sur ‘le côté’, c’est-à -dire les masses… Son œil est le seul à avoir regardé dans cette direction  ».
Nestor Kirchner est arrivé au pouvoir en 2003, avec le moins bon score électoral de presque tous les présidents argentins : 22,3%. En moins de trois ans, par des pressions ou par l’argent, il a réussi à se rallier presque toute son opposition, a convaincu l’opinion publique qu’il menait un projet « progressiste  » et a jeté les bases d’un dynastie K bien programmée. Peu sont ceux, par contre, qui savent par où il est passé, ce qu’il a fait, d’où il vient et, par-dessus tout, si —comme dit Goethe un jour— il sera ce qu’il a été.
L’écrivain Osvaldo Bayer, auteur de La Patagonia rebelde dans lequel il se penche sur le massacre de grévistes en 1921, a retrouvé certains pamphlets signés de l’Association de travailleurs de RÃo Gallegos, appelant au boycott de Carlos Kirchner, grand-père du président, un usurier de la province de Santa Cruz, dans le sud du pays. Dans ces pamphlets, on l’appelle ‘bourdon vivant de la sueur des autres’.
« Il a un jour emprunté dix mille pesos à mon père, Kaspar, quelque trente mille dollars actuels. Et il ne l’a jamais remboursé  », rapporte Bayer au journal local, Noticias.
Bayer se rappelle d’un autre Kirchner, pris en photo avec les soldats qui assassinèrent les grévistes. À l’époque, les patrons de Santa Cruz finançaient une petite armée privée appelée la ‘Garde blanche’, qui exterminait les péons indisciplinés, tout comme elle avait liquidé les indiens Tehuelche locaux.
Le père de Nestor K travaillait au service postal, où il gravit les échelons jusqu’à la fonction de trésorier. Nestor K naquit le 25 février 1950, à RÃo Gallegos, une petite ville de pas plus de six mille habitants.
[‘K’ est le surnom utilisé par les journalistes et le public pour parler de leur président ; un peu comme un personnage de Kafka ou de Brecht, quelqu’un de lourd, abstrait, mystérieux.]
Malgré tous ses efforts, K n’a jamais pu passer inaperçu. Il était le plus grand de sa classe et une attaque de toux lui provoqua un déplacement de l’œil. De plus, il est né avec un palais perforé, d’où ses difficultés de diction, qui le forcent à prononcer les S et les Z de manière gutturale. Bien entendu, ses camarades de classes furent cruels. Et ses résultats scolaires ne furent pas brillants, avec six échecs en seconde et huit en première. En 1966, il tente d’entrer à l’école normale, mais sa diction défectueuse l’empêche d’être admis. Il revient terminer son baccalauréat et l’obtient deux mois avant son 19e anniversaire. À l’époque, son surnom n’était pas K, mais plutôt ‘Lupo’ ou ‘Lupin’, du nom d’un personnage de bande dessinée, un pilote d’avion à qui il ressemblait beaucoup. Il aimait ce surnom. Après tout, voler était quelque chose d’héroïque ; et en italien (mais le savait-il alors ?), ‘lupo’ veut dire loup.
En mars 1969, il parcourt 2 600 kilomètres pour étudier dans la province de Buenos Aires et entre à la faculté de droit de l’Université de La Plata. Il décroche son diplôme après sept ans… et avec une moyenne juste supérieure au minimum requis. Ses camarades de l’université se souviennent de deux choses à son sujet : sa passion pour l’argent et son somnambulisme.
« Ce qui n’a pas changé, c’est sa passion pour les dollars  », se souvient une connaissance qui préfère rester anonyme. « Sa famille lui virait des fonds à La Plata et ‘Lupo’ courait acheter des dollars. Dans ces années-là , on ne se souciait pas encore trop des taux de change, mais lui bien ! De temps en temps, il comptait ses dollars et calculait ses profits selon les taux de change publiés dans la presse.  »
Une nuit, son camarade de chambre se réveille en sursaut. « J’ai été réveillé par une voix rauque qui criait. Quand j’ai ouvert les yeux, je me suis rendu compte que la voix venait de la chambre elle-même : c’était le Flaco (Kirchner) qui imitait Perón, un balai à la main en guise de micro. Je lui ai dit d’arrêter de me les casser, mais il m’ignora, poursuivant son discours. Finalement, j’ai éteint la lumière et je l’ai vu, profondément endormi, imitant les gestes de Perón, le balai à la main. ‘Lupin’ était somnambule, et je ne le savais pas.  »
Kirchner a quitté La Plata avec une certaine expérience politique et la femme avec qui il partagerait sa vie : Cristina Fernández (elle déteste que les médias l’appellent la « première dame  » et préfère « première citoyenne  »). À l’époque, Kirchner était un activiste lié au Mouvement de la jeunesse péroniste. Toutefois, contrairement au mythe qui persiste encore aujourd’hui, il n’a jamais appartenu à la Tendance révolutionnaire, bras public de la guérilla clandestine, les Monteneros, un groupe de guérilla urbaine. Cristina l’appelait alors « Kirchner  », et l’appelle encore ainsi, même dans l’intimité. Elle s’arrangea pour ouvrir ses horizons et tenta de l’approcher de la musique et du cinéma, que Nestor ignora complètement. Ils quittèrent La Plata pour RÃo Gallegos le 27 juillet 1976. Leur vision de la realpolitik se résume à un adage qui déterminera désormais leur vie entière : pour faire de la politique, il faut d’abord faire de l’argent.
En février 1977, Nestor K reçoit une convocation l’enjoignant de comparaître au 24e régiment d’infanterie. Lui et son collègue Rafael Flores se font interroger par le colonel Calloni, chef de la zone et représentant suprême de la dictature militaire à Santa Cruz. « Le type s’est montré amical et prévenant  », se souvient Flores. « Dans ses questions, il nous appelait toujours ‘maître’ et l’interrogatoire s’est déroulé sans menottes ni capuche. Il nous a questionné sur les événements du 25 mai 1973, nous demandant si nous avions vu des Montoneros  ». Après confirmation de la présence des deux prévenus sur les lieux, Calloni s’excusa de ne pas pouvoir les enfermer dans les baraquements, alors saturés de prisonniers, et les informa qu’ils seraient détenus au Bloc 15 du pénitencier fédéral. Trois jours plus tard, ils étaient libérés. Pour évoquer cette détention, K parle de « journées en enfer  ».
Cristina décrocha son diplôme d’avocate en 1979 et K se spécialisa dans la consultance en matière de « paiement et recouvrement d’impayés  » auprès des entreprises locales. Il travailla pour le compte de Automotores de Dios (un concessionnaire automobile), du quotidien Opinión Austral, de la station de radio LU12, du magasin d’électroménager Berton et pour la société financière Finsud. Parce qu’il effectuait les saisies sur des télévisions, des pianos ou des bicyclettes, les familles locales le vouaient aux gémonies. Olaf PilÃn Asset a ainsi assisté à la saisie de la télévision familiale par Nestor K. Plus tard, Asset milita dans des organisations de gauche, où il taxait son collègue de « mafieux  ». Aujourd’hui, il est l’avocat personnel du président et occupe un poste au gouvernement de la province.
Avec la débâcle financière grandissante de la dictature, sous le ministre de l’Économie MartÃnez de Hoz, K se retrouva à conseiller la société Finsud, rachetant des dettes hypothécaires et proposant des offres lors de saisies. Au zénith de la dictature, et en cinq ans à peine (de 1977 à 1982), le couple K avait réussi à multiplier sa fortune, acquérant au total 21 propriétés : une en 1977, cinq en 1978, quatre en 1979, trois en 1980, cinq en 1981 et trois en 1982, selon les archives fiscales.
En 1980, un endetté inconnu tenta de faire justice lui-même et lança un cocktail Molotov dans les bureaux de la firme des K. Après cet attentat, Cristina, Nestor et leur associé Domingo Ortiz de Zárate publièrent un encadré dans la presse locale pour remercier les autorités militaires de leur solidarité et informer qu’ils laissaient « l’enquête aux mains des autorités judiciaires compétentes, comme il est de mise dans un État de droit  ».
Deux ans plus tard, à la une du quotidien Opinión Austral et dans les pages intérieures du Correo del Sur, juste quelques jours après que la dictature de Galtieri ait commencé la guerre avec la Grande Bretagne au sujet des ÃŽles Malvinas, l’Armée publiaient un avis remerciant « le soutien apporté par des représentants de différents secteurs de la vie citoyenne de RÃo Gallegos au quartier général du commandement militaire  ». Sur la photo figure le principal commandant militaire de Santa Cruz, accompagné de Nélida Cremona, championne de la droite orthodoxe du péronisme et marraine politique du président, Manuel López Lestón, oncle de K et ex-fonctionnaire de la dictature de Lanusse (1971-1973), Daniel Varizat, ami de K et actuel ministre du gouvernement de Santa Cruz, et enfin l’avocat Nestor Kirchner qui menait alors « des discussions entre les ailes militaires et civiles de la dictature  ». Aujourd’hui, lorsque le président félicite les Mères ou Grands-mères de la Place de Mai, ou ordonne d’enlever certains portraits de militaires de l’École mécanique navale (ESMA) qui servit de camp de concentration, on est en droit de se demander à quel moment sa conversion a commencé.
Pour répondre à cette question, on pourrait fouiller dans la théorie argentine dite « de l’ennemi imaginaire  », sur laquelle nous revenons plus avant. Mais reprenons le récit là où nous l’avons laissé : au zénith de la dictature, alors que K et Cristina gonflaient leurs comptes en banque.
La démocratie revint après la défaite militaire aux Malvinas. K décide alors de revenir au péronisme, mais pas dans ses mouvances « rénovatrices  » ou progressistes. De retour à RÃo Gallegos, Nestor K saute sur la scène alors que le candidat péroniste à la présidence, Italo Luder (qui sera vaincu par Raúl AlfonsÃn), y prononce un discours. K vocifère : « Isabel au pouvoir ! Le reste n’est que trahison !  ». Curieuse et intempestive évocation d’Isabel Perón, qui cautionna et protégea le groupe terroriste d’extrême droite Triple A, dirigé par José López Rega. Mais ‘Lupin’ et ses amis refusèrent de quitter la scène tant que Luder ne saluerait pas Isabelle dans son discours.
Néstor K poursuit alors sa carrière et gagne la mairie de RÃo Gallegos le 7 septembre 1987, avec 111 votes de différence. À la moitié de son mandat, en 1989, Cristina est placée sur la liste de Carlos Menem, du Parti justicialiste, et sort élue au congrès provincial. De 1991 à 1995, Néstor est élu gouverneur de la province et Cristina est réélue au Congrès. Dès sa prestation de serment, en décembre, le gouverneur suspend les payements aux fonctionnaires et décrète une réduction salariale.
Ses relations avec le gouvernement central de Menem sont au zénith. Par gratitude, Menem fait construire un aéroport à Calafate et vient en personne l’inaugurer. À la cérémonie, Kirchner n’a de cesse de complimenter le président. Aujourd’hui, il affirme que ces louanges étaient simplement « protocolaires  ». Néstor fait également du lobby pour la privatisation de la société pétrolière publique YPF, vendue ensuite à la société espagnole Repsol. Cristina, quant à elle, apporte son concours pour modifier la constitution, de sorte à permettre la réélection de Menem.
C’est pendant ces années que K devient de plus en plus sensible aux critiques de la presse. Il lance une persécution contre La Opinión Austral et contribue à sa faillite en lui retirant toute publicité de la province. En parallèle, il crée les conditions pour maintenir la dépendance des médias de l’aide publique. Rudy Ulloa, son chauffeur, devient propriétaire d’une grande société médiatique qui existe encore aujourd’hui. Récemment, de fait, ce groupe s’est porté acquéreur du quotidien Página/12 de Buenos Aires, qui est le deuxième bénéficiaire de fonds public en importance, malgré son modeste tirage de 10 000 exemplaires.
L’exemple de Menem, avec sa réélection, fait des émules parmi les gouverneurs de province, à commencer dans le Sud du pays. K fait réformer la constitution provinciale et réussit à faire approuver la réélection indéfinie. Pendant son troisième mandat, il vire discrètement 500 millions de dollars de fonds provinciaux sur des comptes étrangers. « Pour protéger cet argent d’un pays qui tombe en ruines  », s’explique-t-il alors. Les fameux « fonds de Santa Cruz  », promet-il, seront ensuite rapatriés lorsqu’il sera président. Après trois ans en place, et sous la pression du public, le gouvernement répond qu’il rapatriera les fonds graduellement et fournit certains certificats de dépôts bancaires sur des comptes en Suisse et dans d’autres paradis fiscaux, au nom de Kirchner.
Personne ne sait avec certitude si les fonds ont effectivement été rapatriés, ni à quel montant s’élèvent les intérêts accumulés au fil des ans. On sait, par contre, que ces fonds ont été, au moins en partie, administrés par la firme financière Open Market, condamnée à payer une amende par le Département états-unien de la Justice, pour avoir géré de l’argent du Cartel mexicain de Juárez.
Il se lève à six heures du matin, prend son petit déjeuner en écoutant la radio, puis convoque de matinales réunions de cabinet. Il adore réveiller ses ministres pour leur poser des questions. Pas étonnant que la plupart de ses ministres ont divorcé depuis le début de son mandat.
Même s’il insiste pour que ses ministres soient à la Casa Rosada (palais du gouvernement) dès sept heures, il n’y arrive qu’à neuf heures. À quatorze heures, il repart en hélicoptère pour la résidence présidentielle Los Olivos, pour y faire la sieste. De retour à son bureau à dix-sept heures, il y reste jusqu’à vingt-trois heures. C’est dans la salle de cinéma de Los Olivos qu’il regarde les matches de foot, mais uniquement ceux du Racing, son équipe favorite. Il ne fréquente plus les stades. Il ne lit aucun ouvrage de fiction, mais dévore les journaux d’économie et se gave des dépêches qui arrivent à son bureau toutes les quinze minutes.
Il ne boit pas d’alcool et suit le même régime tous les jours : du blanc de poulet avec une purée de pommes de terre, ou des légumes cuits à l’eau et des pommes de terre au four. Parfois il varie le menu : du poisson, mais avec toujours la même purée de pommes de terre, ou les mêmes légumes cuits à l’eau et pommes de terre au four. Il ne boit que de l’eau minérale. En fait, il souffre d’une gastroentérite hémorragique, avec de graves déviations sur le colon. Une affection que le gouvernement tente de maintenir au secret.
Il n’est pas doué avec la technologie. C’est sa fille Florencia, une adolescente qui publie son blog, qui a appris à Nestor K et à Cristina le peu de connaissances en informatique qu’ils possèdent. Il préfère prendre des notes sur un petit cahier d’écolier et noircir les pages de statistiques économiques. Il a passé ses deux premières années de mandat à passer en revue les réserves fiscales et les estimations de recettes fiscales. Aujourd’hui, il suit de très près les chiffres de l’inflation.
La seule chose qui semble l’entretenir, c’est le pouvoir, qu’il poursuit avec un zèle méticuleux et la cruauté d’un enfant. Mais il n’a pas gagné les élections de 2003 : Menem, son rival, est sorti de la course, refusant de participer à un second tour. Ce détail a marqué ses efforts dans les années qui ont suivi, pendant lesquelles il a tenté de se construire un leadership et une base à tout prix. Un nouveau K est ainsi né, contradictoire et très différent par rapport au personnage qui gouverna jadis sa province.
Il a purgé le commandement militaire, revendiqué le mouvement des droits humains, changé la composition de la Cour suprême et lancé une politique de confrontation qui persiste encore à ce jour. Ainsi, M. K bataille avec l’Église, les militaires, la campagne, les supermarchés, la presse, l’ONU, les organisations de crédit, l’Uruguay, le Chili, le Brésil, les entreprises privatisées et, plus récemment, les véritables chiffres de l’inflation, que le gouvernement a décidé de voiler derrière des statistiques plus roses et peu fiables.
Mais s’agit-il de matches de boxe, ou de catch ? Est-ce pour de vrai, ou est-ce truqué ? Par exemple, K se bat contre le quotidien La Nación, qu’il accuse d’avoir soutenu les militaires et fomenté la répression des protestations populaires. Il va même jusqu’à dénoncer, dans ses discours, les éditorialistes du journal par leur nom.
À première vue, il semble que K mène des combats progressistes contre la droite profonde. Rien n’est plus éloigné de la réalité. En fait, K scelle des accords avec la vraie droite, celle avec laquelle il se dispute le pouvoir, chaque jour : les sociétés pétrolières, les monopoles de la construction, les transports subventionnés.
Il ne fait que punir la droite symbolique pour mieux s’entendre avec la vraie droite. M. K crée des ennemis imaginaires, rien n’étant plus facile que de lutter contre des moulins à vent. Ainsi lance-t-il des critiques acerbes au menemisme des années 90, tout en scellant des pactes avec tous les dirigeants menemistes —sauf avec Menem lui-même, bien sà »r—, notamment pour les élections du 28 octobre.
« Je n’ai pas peur de vous !  », a déclaré M. K à des officiers dans une école militaire. Mais trente ans après la dictature, qui a encore peur des militaires argentins ? Seule une poignée de fous pathétiques défend encore les militaires, qui ont torturé, assassiné et volé des enfants pendant ces années de violence.
Avec de tels ennemis, M. K peut dormir sur ses deux oreilles. Sauf pour une chose, qu’il ne semble pas avoir remarqué : le pire ennemi d’un double discours, c’est le temps. Le temps qui passe, inévitablement. Les masques de la dialectique tombent forcément, et la réalité se rebiffe, telle un coup de patte félin.
« Je suis péroniste  », a-t-il affirmé à George W. Bush à la Maison Blanche en juillet 2003.
« Ne vous fourvoyez donc pas… Vous voyez, cela fait longtemps que j’ai abandonné le péronisme  », a déclaré K à Walter Curia, journaliste au ClarÃn, alors que ce dernier lui annonçait la sortie de son livre sur le président, intitulé « Le dernier péroniste  ».
Ces deux citations sont authentiques. Selon la loi de l’identité, A est égal à B, mais tous deux sont égaux à K.
Hier [28 octobre 2007], son rêve de remettre la présidence à sa femme est devenu réalité. Mais peu sont ceux qui pensent qu’il va se retirer. Dans le pire de cas, il pourrait plutôt tirer les ficelles en coulisse. Si tel est le cas, il pourrait revenir et se représenter au terme du mandat de son épouse, en 2011. Or, l’histoire se déroule en Argentine, dans le Sud du Sud, où presque rien n’est jamais certain.
Source : Gatopardo (http://www.gatopardo.com/) octobre 2007 ; news.nacla.org (http://news.nacla.org/), octobre 2007.
Traduction : Gil Lahout, pour le RISAL (http://risal.collectifs.net/).
Kirchner, Nestor