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Les cérémonies émouvantes qui ont marqué les 30 ans du souvenir du coup d’État au Chili ont été vécues avec l’étrange sentiment de savoir que de l’autre côté de la ville - dans le « barrio alto  » de Santiago, bien sà »r - des milliers de partisans de Pinochet le commémoraient avec lui. Cependant, il est encore plus dur de s’apercevoir que l’héritage de Pinochet ne se trouve pas là -bas seulement, mais qu’il continue d’être présent dans les politiques des gouvernements qui se sont succédé, ceux présidés par les démocrates-chrétiens comme même celui du « socialiste  » Ricardo Lagos.
Comment expliquer que le Chili, pionnier dans les projets d’intégration latino-américaine, soit aujourd’hui un allié privilégié du gouvernement de Bush dans la lutte pour l’ALCA, qu’il ait signé un accord bilatéral honteux avec Washington, qu’il s’oppose aux projets conduits par le Brésil et l’Argentine pour l’intégration de l’Amérique du Sud, qu’il se refuse à discuter l’accès à la mer de la Bolivie ?
Il est difficile de comprendre cette transformation sans se référer au fait que les gouvernements démocrates chrétiens et socialistes ont continué la politique de Pinochet. Cette politique a ouvert, dès les premiers jours du coup d’État de 1973, l’économie chilienne sur l’extérieur, assénant un coup violent au Pacte andin et faisant revenir le pays à une économie d’exportation de matières premières. En maintenant ce modèle économique - parsemé de politiques sociales compensatoires -, ces gouvernements se sont exclus eux-mêmes de tout projet d’intégration régionale, ils se sont écartés du MERCOSUR et ils ont été choisis par Washington comme candidats privilégiés pour entrer dans le Traité de libre-échange d’Amérique du Nord (TLCAN) et constituer la première ligne de combat - avec le Mexique - pour défendre l’ALCA : une sorte d’extension de l’accord bilatéral signé par le gouvernement chilien avec celui de Bush.
L’économie chilienne, qui vit de l’exportation du cuivre et de ses dérivés, du bois, des fruits, du poisson, dépend du commerce extérieur pour la moitié de son PIB, après avoir pratiquement éliminé toutes les barrières douanières. Ce qui l’a empêché d’avancer dans son processus d’industrialisation et a condamné le pays à osciller entre les marchés asiatiques, européens et nord-américains. Et, en plus de cela, l’a isolé du continent latino-américain.
C’est de là qu’est née la politique pro-nord-américaine des gouvernements chiliens, y compris celle du « socialiste  » Ricardo Lagos, et que s’est créé un climat détestable au sujet de la juste revendication de la Bolivie de se voir restituer son accès à la mer. Le Pérou et la Bolivie ont perdu des parties significatives de leurs territoires qui sont passées aux mains du Chili lors de la Guerre du Pacifique, en 1879, quand les entreprises anglaises de salpêtre financèrent et provoquèrent le conflit à partir du territoire chilien pour garder les bénéfices fondamentaux de la victoire du Chili.
Le Pérou et la Bolivie perdirent des territoires qui permirent l’expansion chilienne à partir de l’exploitation du salpêtre - et plus tard du cuivre - et la Bolivie devint un pays sans accès à la mer. On peut s’imaginer comment des économies d’exportation de matières premières comme les nôtres sont directement affectées par l’absence d’accès à la mer.
Il y a quelques mois, le leader politique bolivien Evo Morales fut invité à participer au lancement d’une organisation non-gouvernementale au Chili, mais il a dà » suspendre son voyage devant le climat d’hostilité créé par la presse locale - essentiellement à droite, en grande partie pro-Pinochet.
Voilà à quoi s’est réduite la conduite des affaires extérieures du Chili, résultat du fait que ses gouvernements pro-Pinochet ont assumé la continuité de la politique néolibérale de la dictature. Que cela serve également de rappel à l’ordre au Brésil : la politique extérieure est l’expression des grandes options stratégiques intérieures. Que la continuité de la politique économique de Fernando Henrique Cardoso ne se heurte pas à la souveraineté revendiquée jusqu’à maintenant de notre politique extérieure, et qu’au contraire elle serve de boussole pour que la politique économique soit l’instrument d’un projet transformateur et non régressif comme elle l’a été jusqu’à maintenant.
Source : ALAI, América Latina en Movimiento (http://alainet.org/index.phtml.es), 06-02-2004.
Traduction : Hapifil, pour le RISAL.