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La troisième est la bonne. Il y a d’abord eu Monterrey [1] et ensuite Cancún. A Guadalajara, le gouvernement mexicain espère effacer les défaites qu’il a essuyées. Après les deux échecs retentissants de sa diplomatie au cours des réunions internationales organisées sur le territoire national, à Los Pinos [2] on a allumé des bougies pour que le troisième sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, de l’Amérique Latine et des Caraïbes soit un succès.
En mars 2002, on pensait que la conférence sur le financement du développement durable de Monterrey serait l’occasion d’une présentation en grande pompe du président Vicente Fox dans le concert des nations. Au lieu de cela, le mandataire mexicain est apparu devant la communauté internationale comme un politicien inexpérimenté, menteur et maladroit, subordonné aux intérêts des Etats-Unis, incapable de négocier avec Fidel Castro.
En septembre 2003, les édiles nationaux du libre échange ont voulu faire de la cinquième réunion ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la cérémonie de consécration de notre pays au sein des alliés internationaux. On devait y résoudre deux problèmes clés pour le futur du commerce mondial : l’agriculture et les dits sujets de Singapour ( politiques de concurrence, libéralisation du commerce, transparence des achats gouvernementaux ainsi que des sujets liés aux investissements). Dès le début de la conférence, le secrétaire mexicain Ernesto Derbez déclarait que les négociations avaient le vent en poupe. Trois jours plus tard, face aux fortes protestations et aux négociations qui avaient été menées de façon lamentable, le ministre n’a pas eu d’autre choix que de reconnaître que les différences d’opinion étaient inconciliables. Cancún avait déraillé.
Pour l’administration de Fox, la rencontre qui aura lieu dans la capitale de l’Etat de Jalisco vendredi et samedi prochains est l’occasion de tenter de réparer ses défaites passées. Ce ne sera pas simple. Tout d’abord parce que les récentes explosions à Morelos [3] sont de mauvaise augure pour la stabilité du pays. Ensuite, ils arriveront à cette réunion après un différend profond avec Cuba qui n’a pas été provoqué par le gouvernement de l’île.
La diplomatie mexicaine n’est pas dans son meilleur moment. Le prestige international dont le chef de l’exécutif a bénéficié au début de son gouvernement s’est dramatiquement épuisé. Lors de ses voyages à l’étranger, Vicente Fox a fait de la privatisation des secteurs pétrolier et électrique, le centre de ses relations avec les autres nations. Il ne s’est pas préoccupé du fait qu’il n’avait pas l’approbation du Congrès. Etant donné qu’il n’a pas pu tenir ses promesses, la confiance que les pays étrangers avait mise en lui s’est envolée.
Pendant ce temps, l’espace que le Mexique a eu à certaines occasions au sein des relations internationales a été occupé par le Brésil. Luiz Inacio ‘Lula’ da Silva a mis en marche une politique extérieure agressive qui a mis son pays dans une position privilégiée sur l’échiquier mondial. Son rôle dans la formation du G20, central dans les négociations commerciales en cours, a été décisif. Son rapprochement avec des pays comme l’Inde et l’Afrique du Sud lui a garantit une protection que le Mexique est loin d’avoir. Son pari sur le Mercosur plutôt que sur l’ALCA l’a mué en véritable leader de l’hémisphère. Ses relations avec l’Argentine et le Venezuela lui ont procuré un espace de manÅ“uvre privilégié. Aucune de ses alliances ne s’est établie à partir de considérations idéologiques mais bien sur des intérêts concrets.
Avec une politique étrangère subordonnée aux Etats-Unis, principalement axée sur le Nord et reléguant le Sud, le gouvernement mexicain jouit de peu de terrain d’initiative au cours d’une rencontre telle que celle de Guadalajara, dont le centre d’attraction tourne autour des relations avec l’Union européenne (UE). Et encore moins lorsque les deux sujets prioritaires de celle-ci concernent la cohésion sociale et l’intégration régionale sur lesquels notre pays a très peu à dire.
Le fait que les priorités du sommet soient marquées par la reconnaissance du fait que de larges secteurs de la population d’Amérique latine « n’ont pas eu accès aux bénéfices de la démocratie et du développement  » ne peut cependant pas cacher deux faits de base : premièrement, l’importance que revêtent pour l’Europe ses relations avec l’Amérique latine dans le contexte d’une guerre commerciale croissante avec les Etats-Unis, et, deuxièmement, l’explosion de mouvements sociaux revendicatifs et l’élection de gouvernements progressistes exigeant une plus grande régulation des investissements étrangers dans les ressources naturelles et les biens de base. Certains auteurs ont catalogué ce processus de résistance comme une résurgence du populisme, de l’indigénisme et du marxisme révolutionnaire dans la région.
L’UE est la principale source d’investissement étranger direct (IED) en Amérique latine : 20,61 milliards d’euros en 2002. Ceux en provenance de l’Espagne ressortent particulièrement. Les investissements européens se concentrent surtout au Brésil, en Argentine, au Chili et au Mexique. L’UE est, en outre, le second partenaire commercial de la région : les importations européennes en provenance d’Amérique latine ont atteint la même année le chiffre de 53,7 milliards d’euros tandis que les exportations s’élevaient à 57,5 milliards d’euros.
Les IED européens se sont affirmés significativement au cours des années 90. Une des pièces clés de cette croissance a été le reprise de la privatisation du secteur public initiée par les gouvernements de la région, avec l’appui et la pression de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Les investissements ont été concentrés dans les secteurs financiers, énergétiques et des télécommunications.
En Argentine, en Bolivie, en Equateur, au Venezuela et au Brésil, d’importants mouvements sociaux sont apparus pour remettre en question les investissements européens dans des secteurs clés de l’économie. Au Mexique, la privatisation du secteur énergétique a aussi été freinée. Le sommet de Guadalajara aura lieu avec, en toile de fonds, l’ombre de cette irruption populaire.
[1] Sommet extraordinaire des Amériques, janvier 2004.
[2] Résidence du président mexicain (N.d.T.)
[3] Le 23 mai 2004, des explosions ont retenti devant trois agences bancaires dans la ville de Jiutepec, dans l’Etat de Morelos. D’après les médias mexicains, les explosions ont été provoquées par des bombes et revendiquées par une organisation jusque-là inconnue protestant contre la politique du président Vicente Fox et la corruption. (N.d.T.)
Source : La Jornada (http://www.jornada.unam.mx/), 25 mai 2004.
Traduction : Anne Vereecken, pour RISAL.